
Orpea, un an de traumatisme

Orpea poursuit son chemin de croix. Un an après sa sortie, le livre Les Fossoyeurs, qui a précipité la déchéance du gestionnaire de maisons de retraite et de cliniques, reparaît dans une version enrichie de nouvelles révélations. Ces chapitres supplémentaires ne changeront rien au traumatisme. Le scandale a fait s’effondrer comme un château de cartes un groupe dont les actifs étaient aussi artificiellement soufflés que sa gouvernance, cataclysmique – les investisseurs ESG y ont perdu au passage leurs dernières illusions. Surtout, il ne reste à présent à l’entreprise qu’un petit mois pour assurer sa survie en trouvant un accord pour restructurer sa dette. Elle n’en a jamais paru aussi loin, ses créanciers obligataires et la Caisse des dépôts s’étant quittés mi-janvier sur un constat d’échec.
Les claquements de porte et le poker menteur sont le lot commun de toutes les restructurations financières. Celle d’Orpea se distingue cependant de précédents dossiers emblématiques en France, comme Vivarte ou CGG, sur plusieurs points. D’abord, l’incapacité des parties prenantes à évaluer le nouveau modèle économique de l’entreprise. Les marges dont celle-ci se flattait, et qui reposaient sur des pratiques inacceptables, appartiennent au passé. Si la Caisse des dépôts, pour prix de son soutien, obtient à juste titre et comme elle le réclame un changement complet de la gouvernance et des attentes de rentabilité, les futurs propriétaires d’Orpea deviendront actionnaires d’un acteur semi-public difficile à comparer à ses concurrents du privé. La communication de la société à l’égard des marchés financiers ces derniers mois n’aide pas à y voir plus clair.
Echec interdit
A la table des négociations, beaucoup ont aussi peine à tirer un trait sur leurs pertes. Aux côtés des grandes banques françaises, qui peuvent se permettre aujourd’hui un rôle d’observateur car leurs prêts sont garantis, se trouve une myriade de créanciers présents depuis l’origine : fonds obligataires, banques chinoises ou taïwanaises. Une majorité d’entre eux ont refusé de vendre leurs titres avec une forte décote à des hedge funds spécialisés dans les restructurations, comme c’est l’usage à l’annonce de telles procédures. D’où les crispations des derniers jours : il est paradoxalement plus facile de discuter avec un fonds américain qui fait son miel de la dette décotée, qu’avec un gestionnaire d’actifs traditionnel dont la position a perdu les trois quarts de sa valeur.
Et pourtant, l’échec n’est pas une option. Orpea reste un très gros employeur dans le pays et gère plus de 110.000 lits dans le monde. En plein projet de réforme de retraites, sa déconfiture renvoie aussi la France et les pouvoirs publics à un autre défi majeur, celui du financement de la dépendance. Gageons que l’Elysée, en première ligne dans ce dossier, saura d’ici à l’échéance de fin février amener tous les protagonistes de l’affaire à un compromis.
Plus d'articles du même thème
-
Atalian peine à redresser la barre
Grand convalescent après un difficile refinancement l’an dernier, le groupe de services de nettoyage et de sûreté a vu sa rentabilité se dégrader en 2024. Le tout sur fond d’instabilité de sa gouvernance. -
Le mauvais séquençage financier de 23andMe provoque sa faillite
Faute de repreneurs, la société, spécialiste des tests ADN, se place sous le chapitre 11 du régime américain des faillites. Sa fondatrice Anne Wojcicki démissionne afin de pouvoir bâtir sa propre offre de reprise. Une manière, pour elle, d'utiliser les subtilités du droit américain. -
Les porteurs de BSA de Latécoère ont mis dix ans à gagner en justice
La cour d’appel de Toulouse reconnaît que l’équipementier aéronautique n’a pas respecté le contrat d’émission et engage donc sa responsabilité. Toutefois, les juges excluent une grande partie des porteurs de bons de souscription d’actions. De nouveaux débats s’ouvrent pour déterminer le montant de la réparation.
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions