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L’épargnant face au retour de l’inflation

En propulsant le taux d’épargne à des niveaux dignes des années 1970 où prévalaient des taux d’inflation à deux chiffres, la crise sanitaire nous aurait-elle, rétrospectivement et ironiquement, adressé un signe avant-coureur de la dérive des prix actuelle ?
Le retour de l’inflation à l’été 2021 puis le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne ont réactivé les réflexes d’épargne, alors même que l’efficacité du soutien public puis la reprise économique en 2021 semblaient orienter les ménages vers une normalisation de leur propension à épargner. Malgré un recul drastique du pouvoir d’achat au premier trimestre 2022 – équivalent à l’effet sur les revenus réels du Covid au deuxième trimestre 2020 –, les ménages ont ajusté brutalement leur consommation, choisissant implicitement de stabiliser leur taux d’épargne à près de 17%.
L’une de leurs motivations tient d’ailleurs à un mécanisme analogue à celui de la répression financière. Les taux d’intérêt artificiellement bas ces dernières années ne permettaient pas d’assurer le maintien du pouvoir d’achat du patrimoine financier et poussaient nombre d’Européens à accroître leur volume d’épargne. De la même façon, une inflation qui resterait supérieure à des taux nominaux, certes en hausse, produirait une aspiration à épargner davantage pour parvenir à une croissance réelle des actifs, dans l’esprit de l’effet d’encaisses réelles qui prévalait dans les années 1970.
Trois postures face à l’inflation
Dans le cadre de son observatoire des classes moyennes, Free Thinking a identifié trois postures des Français qui constituent une grille de lecture illustrative de leurs comportements d’épargne face à l’inflation. L’une d’entre elles, minoritaire et davantage représentative des catégories moyennes et aisées, renvoie précisément à cette recherche de valorisation patrimoniale, non plus par un surcroît de placements mais par des choix d’actifs offrant des perspectives de rendement élevé.
Cette tendance bénéficie par exemple à l’assurance-vie en unités de compte mais va aussi de pair avec le redressement de l’actionnariat individuel grâce à des « néo-investisseurs » plus jeunes et dont les stratégies sont plus axées sur la volatilité que sur le long terme. Au-delà d’une plus large ouverture au risque qui contribue à optimiser l’allocation d’actifs, cette orientation se traduit donc aussi par des choix plus spéculatifs. Qu’il s’agisse de l’achat d’or plus fréquent chez les « patrimoniaux » ou plus encore des cryptomonnaies adoptées par 7 % des 18-29 ans (16% supplémentaires l’envisageraient), l’influence des réseaux sociaux ou des plateformes de distribution prend alors souvent le pas sur la capacité à maîtriser les risques associés à de tels instruments.
La deuxième attitude, également minoritaire, renvoie au contraire aux populations les plus exposées au recul du pouvoir d’achat qui déclarent ne plus avoir les moyens d’épargner, soit 16% des personnes interrogées par le baromètre BPCE/Audirep en février 2022. Sur le fond d’un besoin persistant, et ranimé à chaque crise, de sécuriser l’avenir et d’assurer la réalisation de ses projets de vie, l’épargne reste un vecteur d’autonomie. Ainsi, pour une minorité de Français, la baisse des revenus réels engendre une double frustration : au renoncement aux rares formes de consommation « plaisir » qu’ils avaient sauvegardées s’ajoute l’incapacité à épargner, et donc le sentiment de ne pas se prémunir suffisamment face aux aléas de la vie.
Risque sur l’immobilier ?
Cependant, face à l’inflation, la majorité des épargnants choisit de préserver autant que possible, au risque de limiter davantage sa consommation, une épargne qui soit à la fois suffisante et sûre. De façon explicite, la hausse du coût de la vie est aujourd’hui l’une des premières motivations d’épargne des Français et 46% d’entre eux, un record depuis début 2020, estiment « ne pas disposer d’une épargne de précaution suffisante face à la crise ». Ce troisième groupe correspond peu ou prou aux 57 % d’individus qui épargnent moins de 300 euros par mois, le plus souvent sur des dépôts à vue et des livrets défiscalisés, même s’ils privilégient la pierre quand ils le peuvent.
Pour autant, si elle s’affirme, la résurgence de l’inflation pourrait remettre en cause les arbitrages actuels. L’immobilier reste le bien préféré des Français et cette image est rehaussée par son statut d’actif emblématique de la protection contre l’inflation. Même s’ils continuent à penser très majoritairement que les prix sont orientés à la hausse, la remontée des taux d’intérêt et la mise en œuvre des contraintes énergétiques pourraient démentir cette anticipation à moyen terme.
Concernant les placements financiers, les perspectives de hausse des taux réglementés, parallèlement à l’érosion inflationniste des dépôts non rémunérés, conduit à s’interroger sur la réorientation possible des dépôts à vue, voire de l’assurance-vie à capital garanti, vers les livrets. De façon assez stable, les épargnants expriment une attente de rendement de l’ordre de 2,5% pour arbitrer leurs placements. Les taux réglementés ne s’approcheront pas de ce seuil psychologique sans produire des reports importants vers les livrets.
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