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Les banques doivent affûter leur stratégie pour retenir les dépôts

En juillet 2023, les encours des dépôts à vue représentaient 1.355 milliards d’euros, d’après la Banque de France. Un montant en baisse de 6,3% depuis le début d’année et de 20,2 milliards d’euros rien que sur le mois de juillet.
Après dix hausses de taux consécutives en l’espace d’un an par la BCE, les épargnants effectuent des arbitrages. Ils garnissent leurs livrets réglementés, plus rémunérateurs et qui connaissent des collectes records (Livret A, PEL, LDDS et LEP). Les dépôts ou comptes à terme (CAT) – sur lesquels l’épargne est bloquée pendant une durée déterminée moyennant un taux d’intérêt attractif – connaissent également un engouement important, avec une collecte qui a bondi de 35% au cours du premier semestre de l’année.
Baisse des encours bancaires
Estimées à 160 milliards d’euros depuis le début de l’année, ces fuites sur les comptes courants représentent un épineux problème pour les établissements monétaires et financiers, qui accusent une baisse de 1,8% de leurs ressources en comparaison de 2022. La Société Générale révélait dans ses derniers résultats une diminution de 2,5% sur ses encours moyens de dépôts, entre les deux premiers trimestres 2023 seulement.
À l’étranger, la grogne gagne une partie des épargnants, dans des pays où les alternatives comme les livrets réglementés n’existent pas. En Allemagne, la Bundesbank signalait une chute de ses dépôts proche de 8% par rapport à l’année passée. Au Royaume-Uni, les retraits dans les banques NatWest et HSBC s’élèvent respectivement à 11,1 et 10, 5 milliards en équivalent dollars.
Rentabilité ou fidélisation, un nœud gordien ?
Les établissements bancaires sont, pour le moment, plutôt attentistes. Beaucoup conservent aussi longtemps que possible des taux très bas sur leurs comptes sur livret, tout en surveillant attentivement les évolutions du marché.
Les raisons sont claires : d’une part, le coût d’une hausse des taux est très élevé pour les acteurs traditionnels compte tenu de leurs encours importants, d’autre part, les banques savent que le comportement des clients vis-à-vis du taux servi s’accompagne d’une certaine forme d’inertie. Les clients ne commencent à réagir que lorsque certains seuils de taux sont franchis. Et les clients connaissent assez mal les produits bancaires qu’ils détiennent et les taux de leurs livrets.
Ainsi, les taux boostés sont proposés essentiellement par les acteurs digitaux ou spécialisés à relativement faible encours, et limités sur des périodes de quelques mois seulement. En majorité, les banques traditionnelles préfèrent pour l’instant conserver leurs marges qu’une hausse globale de leurs taux mettrait à mal. Pour retenir leurs dépôts, elles peuvent compter par exemple sur des comptes à terme, qui peuvent de manière défensive faire l’objet de conditions particulières.
Sera-ce suffisant pour répondre à tous les scénarios d’évolution à venir ? Que se passera-t-il en cas d’escalade concurrentielle, sachant que la tension sur les taux courts est encore attendue jusqu’à au moins fin 2024 ? Pour aller plus loin, une approche en deux temps est possible.
A lire aussi: Banques, la course aux dépôts est ouverte
Dans un premier temps, il s’agit de repérer les clients les plus à risque par une approche analytique. En effet, tous les clients sont loin d’avoir la même sensibilité au taux. Nous avons ainsi élaboré un modèle d’analyse des flux et de notation de la sensibilité au prix pour déterminer les clients les plus sensibles au prix, qui sont à traiter en priorité.
Ces clients peuvent faire l’objet d’appels proactifs de leur conseiller, de propositions personnalisées, de conseils d’optimisation en privilégiant les solutions disponibles en interne. L’idée est de s’aider des données pour répliquer sur les clients «de masse», professionnels ou particuliers, les approches déjà à l’œuvre sur les clients entreprises, dont les encours sont beaucoup plus importants et qui font l’objet d’un suivi rapproché par leurs chargés d’affaires.
Enrichir la gamme d’offres
Dans un deuxième temps, pour aller au-delà d’une simple détection des clients les plus sensibles à qui des offres spéciales peuvent être poussées, il faut faire un travail plus fondamental d’exploration en profondeur des préférences et des besoins des clients au-delà du taux. Par exemple la finalité du placement peut beaucoup compter pour certains clients, raison pour laquelle les livrets orientés vers le financement de la transition énergétique fleurissent ; mais aussi la disponibilité des fonds est clé pour certains autres segments qui ne prendront donc pas de compte à terme.
L’épargne par projet plaît aussi beaucoup, sa valeur réside dans la discipline qu’elle facilite et la satisfaction de voir l’objectif se rapprocher, plus que dans le taux servi. Les conditions d’éligibilité, le minimum et maximum des livrets, une différenciation par tranche, etc. peuvent servir à cibler seulement certains segments de besoin.
La diversité des besoins et des attitudes vis-à-vis de l’épargne liquide nécessite donc une analyse approfondie et l’élaboration d’un portefeuille de solutions enrichi pour répondre simultanément à plusieurs objectifs a priori antagonistes. Les établissements les plus performants sont ceux qui parviendront à orchestrer efficacement ces différents leviers, dont certains peuvent demander des développements. Ils vont aussi au-delà d’une analyse ex-post, c’est-à-dire limitée aux mouvements financiers passés, et se dotent d’outils et de degrés de liberté supplémentaires pour gérer les mouvements de marché et exploiter les opportunités.
Dans cette nouvelle approche de la gestion des dépôts, les fonctions financières, marketing et commerciales doivent travailler de concert encore plus que lorsque les taux étaient bas. Un autre facteur-clé de succès est de ne pas négliger la stratégie de communication et sa déclinaison par canal pour assurer la rétention – voire la conquête – des dépôts et des flux. En effet derrière cette «bataille de l’épargne», c’est aussi l’image prix de la banque qui doit être défendue.
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