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À quoi sert le bitcoin ?

C’est le grand retour du bitcoin (BTC) : après une chute douloureuse, de 60.000 dollars en 2020 à 18.000 dollars en 2022, le cours a monté à plus de 72.000 dollars ces derniers mois. Deux explications techniques sont mises en avant. D’une part, le halving, c’est-à-dire la réduction de moitié de la rémunération des mineurs par émission de nouveaux bitcoins, qui doit intervenir en avril, acte le fait que la création de bitcoin va se ralentir à partir de cette date. Or l’atout principal du bitcoin, du point de vue monétaire, est sa rareté. À ce jour, plus de 19 millions de bitcoins ont été émis sur les 21 millions qui constituent le plafond annoncé dès l’origine par son créateur Satoshi Nakamoto.
D’autre part, le lancement d’ETF (exchange traded funds) en bitcoins a rencontré un franc succès. Plus de 11 milliards de dollars collectés (au 22 mars) en quelques semaines. Les grands acteurs institutionnels se sont engouffrés dans ce créneau. BlackRock affiche plus de 15 milliards de dollars de collecte, Fidelity, 9 milliards, en partie au détriment du leader historique des cryptoactifs, Grayscale. Même JPMorgan, longtemps pourfendeur de la cryptomonnaie, en parle désormais à ses clients.
La pureté du modèle
Cette respectabilité nouvelle du bitcoin est-elle justifiée ? Au-delà de l’intérêt individuel du bitcoin, quel est son intérêt pour la société ?
La supériorité du bitcoin sur les autres cryptoactifs résulte de la pureté du modèle, et d’abord de la blockchain «permissionless», de la validation des blocs de transactions de manière sûre et transparente, évitant l’intervention d’un tiers de confiance. Il ne fait pas de doute que la blockchain et la comptabilité décentralisée constituent une construction formidable et que ces technologies trouvent et trouveront des applications importantes. Je fais même l’hypothèse que leurs deux (très) gros inconvénients – la consommation d’énergie, et la lenteur de traitement des transactions – seront un jour surmontés. Mais en tant qu’instrument financier ?
Le bitcoin n’est pas une monnaie en ce sens qu’elle ne réunit pas simultanément les fonctions de moyen de paiement, de réserve de valeur et d’unité de compte de manière satisfaisante. Certes, certains s’en servent pour des paiements, et quelques irréductibles facturent en bitcoins. Mais le plus souvent pour de mauvaises raisons : les trafics, d’armes et autres, le blanchiment d’argent, la fraude. C’est un gros problème, d’autant plus difficile à éradiquer qu’il n’y a pas de personne morale qui émette les bitcoins, simplement un protocole. Mais faisons l’hypothèse que l’on arrive un jour à surmonter ce problème.
Normalement, le rendement espéré d’un actif renvoie à une qualité de son «sous-jacent» : les actions ont pour contrepartie un capital investi ; les obligations permettent de financer des dépenses publiques ou des investissements d’entreprises ; l’immobilier permet de loger des familles ou d’abriter entreprises et associations ; les matières premières servent comme intrants dans la fabrication de biens ; les produits dérivés ou d’assurance couvrent des risques. Les devises ont pour contrepartie des crédits et des financements. Les stablecoins ont aussi des sous-jacents ancrés dans le monde réel.
Pour ma génération de baby boomers, vivant dans un pays libre occidental, le bitcoin semble une création ex nihilo, sans contrepartie, sans matérialité, sans utilité autre que le plaisir de parier qu’il y aura une demande supérieure à l’offre.
Le relais de l’or au bitcoin
En réalité, l’attrait principal du bitcoin est ailleurs. Plus qu’un actif qui peut contribuer à la diversification d’un portefeuille, beaucoup y voient une protection contre l’inflation, un véritable «or digital». L’or vit sur son fragile acquis : pendant des siècles, il a été le point d’ancrage de la monnaie, jouant un rôle de garde-fou aux excès des banques ou des Etats. Et il reste un métal précieux qui, pour sa beauté, est à la base de bijoux et, pour ses propriétés physiques, de quelques usages industriels, ce qui lui fournit un (modeste) débouché indépendant de son rôle de placement financier. Le bitcoin prend le relais.
Pour un habitant de la kyrielle de pays instables, au régime politique incertain et souvent illibéral, et, dans nos pays occidentaux, pour toute cette génération de jeunes et de moins jeunes qui, depuis la Grande crise financière de 2008, se méfient des Etats et des banques, de leur monopole sur le «bien monnaie» et de l’usage qu’ils peuvent en faire pour financer les dettes publiques, le bitcoin est à certains égards plus sûr que leur monnaie locale, davantage même que le dollar. C’est une promesse de liberté. La liberté obtenue jadis grâce aux écus d’or dans son gousset, on peut la trouver aujourd’hui avec des bitcoins dans son porte-monnaie électronique. Une construction humaine, purement intellectuelle et conventionnelle, encore pleine de graves défauts, certes, mais, paradoxalement, l’espoir d’un refuge dans un monde sans ancrage.
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