
Volkswagen fait un retour vers le futur avec Europcar

C’est une nouvelle illustration de l’évolution du marché automobile. Quinze ans après l’avoir revendue à Eurazeo, Volkswagen a confirmé jeudi son intérêt pour son ancienne filiale de location de voitures Europcar. Le groupe allemand est prêt à débourser 0,44 euro par action Europcar, soit 2,2 milliards d’euros pour 100% du capital.
Volkswagen a précisé qu’il envisageait une telle opération dans le cadre d’un consortium avec Attestor Limited, déjà actionnaire d’Europcar, et de Pon Holdings, un conglomérat néerlandais actif dans les solutions de mobilité. Le groupe allemand a ajouté que la réflexion en est toujours à un stade très précoce et qu’aucune décision n’a été prise. « Des discussions pourraient se tenir, que la société n’a pas l’intention de commenter, sauf obligation légale », avait reconnu pour sa part Europcar dès mercredi soir à la suite d’une dépêche de Bloomberg.
Le fabricant de la Golf avait déjà approché Europcar l’an dernier. Mais le Covid avait contrarié ses plans. « Sans la pandémie, l’opération se serait faite car elle a du sens pour les deux groupes », est persuadé un investisseur qui connait bien Europcar. Les deux groupes se connaissent parfaitement : en plus d’avoir été l’actionnaire d’Europcar jusqu’en 2006, Volkswagen est le plus gros fournisseur de voitures du loueur. Ses modèles représentaient en 2020 un tiers de la flotte du loueur.
Selon les premières explications fournies jeudi par Volkswagen, l’achat d’Europcar entrerait dans le cadre des solutions envisagées par le groupe pour développer une plate-forme de location qui soutiendrait sa « vision de la mobilité à long terme » et renforcerait sa gamme de produits et de services alors que la location de voitures est appelée à se développer, y compris en ville pour de très courts trajets, une fois que les effets du Covid sur les déplacements se seront estompés.
Mobilité électrique
Volkswagen pourrait par exemple s’appuyer sur les infrastructures de location d’Europcar et sur le savoir-faire du groupe en matière de gestion de flottes automobiles pour déployer ses voitures électriques, dont les modes de consommation et de recharge correspondent bien au système de la location.
En plus de son offre phare, opérée sous plusieurs marques (Europcar, Goldcar, Interent…) avec 2.175 stations de location détenues en propre dans 144 pays, Europcar s’est lancé dès le milieu des années 2010 dans les solutions de mobilité urbaine en achetant la start-up Ubeeqo. La division Nouvelles mobilités dans laquelle est logée Ubeeqo reste marginale dans le modèle d’Europcar : elle représente à peine 1,5% des 1,7 milliard d’euros de chiffre d’affaires du groupe en 2020. Mais ses systèmes de connexion et de gestion des véhicules ont vocation à être déployés sur les autres voitures du loueur.
Volkswagen n’est pas le seul constructeur à travailler son positionnement dans les nouvelles mobilités. Tous ses concurrents ont développé en interne ou en partenariat des solutions de location courte durée, comme PSA avec Free2Move ou Daimler et BMW avec leur joint-venture FreeNow. Le mouvement de Volkswagen serait toutefois le plus spectaculaire dans le secteur.
Pour Europcar, éreinté par la crise du Covid, qui a fait chuter de 40% son chiffre d’affaires l’an dernier et l’a contraint à restructurer sa dette, l’offre de Volkswagen tombe à point nommé. D’autant que tôt ou tard la question du capital du groupe se serait posée. Depuis sa restructuration financière, Europcar est détenu par ses anciens fonds créanciers, avec un trio de tête composé d’Anchorage (24%), Marathon (13%) et Attestor (12%). La présence de ce dernier dans le consortium de Volkswagen montre aussi l’intérêt de ses actionnaires à une offre sur Europcar, revenu en fin de semaine dernière dans le SBF 120.
Prix insuffisant
En revanche, il est probable que le consortium ait à relever son prix pour emporter le dossier. Le conseil d’administration d’Europcar a déjà fait savoir « que le prix proposé de 0,44 euro par action ne reflète pas la pleine valeur et le potentiel de création de valeur du groupe », alors que celui-ci a quasiment réduit à zéro sa dette en début d’année.
En intégrant l’amélioration attendue de la profitabilité d’Europcar d’ici 2023 et en appliquant un multiple d’Ebitda de 6,7 fois (multiple historique du groupe concurrent Avis), les analystes d’Oddo BHF calculent que la valeur d’entreprise d’Europcar serait de 2,5 milliards d’euros, « soit une valeur des capitaux propres de 2,1 milliards ou 0,43 euro par action » proche du prix proposé par Volkswagen. Ce qui fait dire aux analystes que si ce prix de 0,44 euro « valorise correctement la reconstitution des marges à horizon 2023, il convient de reconnaitre que la prime de majoritaire reste plus incertaine, de même que les éventuelles synergies que Volkswagen pourrait mettre en œuvre ».
Un avis partagé par le marché. Jeudi, le cours de l’action Europcar a encore progressé de 12,93% à 0,48 euro, en plus d’un gain de 9,47% mercredi.
Plus d'articles du même thème
-
Carrefour relève de 10% son offre sur sa filiale brésilienne
Le distributeur propose désormais 8,5 reals par titre aux actionnaires minoritaires de Grupo Carrefour Brasil. -
Les constructeurs automobiles non américains cherchent à éviter la sortie de route
Alors que Stellantis et Volkswagen ont rapidement annoncé des contre-mesures, Volvo Cars et Hyundai sont plus attentistes. -
Les ventes de Tesla chutent plus que prévu au premier trimestre
Le fabricant de voitures électriques a livré 13% de véhicules de moins qu'à la même période de l'an dernier. Après avoir ouvert en net repli mercredi, son action a toutefois basculé dans le vert sur des rumeurs évoquant un futur départ d'Elon Musk de son poste au sein de l'administration américaine.
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions