Sanofi va vendre sa santé grand public à l’américain CD&R

Le géant français de la pharmacie entre en négociations avec le fonds Clayton Dubilier & Rice en vue de lui céder son pôle qui fabrique le Doliprane pour plus de 15 milliards d’euros.
Sanofi
Siège de Sanofi, rue de la Boétie à Paris.  -  Photo Sanofi.

Exit l’introduction en Bourse, le laboratoire choisit de négocier avec un fonds américain pour Opella, sa branche de santé grand public. Après quelques semaines de réflexion, le conseil d’administration de Sanofi a tranché en faveur du fonds Clayton Dubilier & Rice (CD&R), a-t-il annoncé vendredi matin.

Ce dernier était, selon nos informations, en concurrence avec le fonds de capital investissement français PAI Partners, allié pour l’occasion au fonds souverain d’Abou Dabi, Adia, et au fonds de pension canadien British Columbia.

CD&R propose de reprendre «une participation de contrôle de 50%» du capital de cette filiale qui fabrique le Doliprane, indique Sanofi sans plus de détails financiers. Selon une source proche du dossier contactée par L’Agefi, le fonds offre un prix valorisant Opella plus de 15 milliards d’euros.

L’aval de Bercy

La force de frappe de CD&R, qui a levé l’an dernier un fonds record de 26 milliards de dollars, ainsi que son origine américaine ont pu compter dans le choix effectué par le laboratoire français.

Les Etats-Unis constituent en effet le premier marché d’Opella, où le groupe a enregistré l’an dernier 24% de ses 5,2 milliards d’euros de chiffres d’affaires. Son second marché, la France, arrive loin derrière, avec environ 10% des ventes.

«La volonté de Sanofi était d’avoir un acteur capable de développer le potentiel d’Opella et le fait d’avoir un interlocuteur unique a aussi pu jouer», indique une source proche du dossier.

Le choix de CD&R a en outre reçu l’aval du gouvernement français. Dans un communiqué envoyé vendredi matin, les ministres des Finances et de l’Industrie, Antoine Armand et Marc Ferracci, ont qualifié CD&R de «fonds d’investissement sérieux qui présente des perspectives positives pour le développement global d’Opella ainsi que pour les sites implantés en France» tout en rappelant qu’un certain nombre d’engagements seront demandés au repreneur et notamment «le maintien du siège et des centres de décisions sur le territoire national, et [la préservation de] l’empreinte industrielle française d’Opella».

Pour autant, des voix discordantes issues du champ politique se font entendre. Plusieurs chefs de parti ont dès vendredi réagi sur les réseaux sociaux. «La vente à la découpe de la France se poursuit», a estimé Jordan Bardella (RN). «Aucune leçon n’aura été tirée du Covid», a pointé Marine Tondelier (Ecologiste). C’est «une honte» et «encore un symbole de notre perte de souveraineté», a jugé Fabien Roussel (PCF). Dans un texte publié dans La Tribune dimanche du 13 octobre, les parlementaires du PS font connaître leur opposition à l’opération, du moins dans le périmètre retenu. Ils estiment que «le gouvernement doit refuser le rachat américain de l’usine de Lisieux de Sanofi et [lui] imposer de préserver un contrôle national de ces activités indispensables pour notre souveraineté».

Même au sein des parlementaires proches du nouveau gouvernement, la grogne est présente. A l’initiative du député Charles Rodwell (EPR), une soixantaine d'élus issus des groupes Ensemble pour la République, Horizons, MoDem, Droite républicaine (ex-LR), et Liot (indépendants) estiment que l’opération «pose un enjeu très préoccupant pour notre sécurité nationale».

Parmi les signataires, l’ancien ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin ou le chef du groupe Horizons Laurent Marcangeli.

L’opération irait à l’encontre du «rétablissement de la souveraineté française en matière de santé», alertent-ils dans un courrier commun au ministre de l’Economie Antoine Armand. «Il est indispensable que l’Etat agisse pour protéger nos fleurons industriels et assurer la souveraineté sanitaire de la France», renchérissent Laurent Wauquiez, le président du groupe Droite républicaine à l’Assemblée nationale et Yannick Neuder (DR), le rapporteur général du budget de la Sécurité sociale, dans un courrier adressé à Bercy.

A lire aussi: Sanofi a lancé l'appel d'offres pour la vente de son pôle Santé grand public

«Le projet potentiel d’indépendance d’Opella s’inscrit dans la stratégie de Sanofi de se concentrer sur les médicaments et les vaccins innovants. Opella fonctionne déjà aujourd’hui comme une entité autonome au sein de Sanofi, avec des ressources dédiées pour la R&D, la production, le digital, et avec sa propre feuille de route en matière de développement durable», a pour sa part indiqué Sanofi dans un communiqué.

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