
Les économistes restent sur leurs gardes malgré le vaccin anti-Covid

Après les marchés financiers, qui ont instantanément intégré l’annonce des résultats prometteurs sur les vaccins de Pfizer-BioNTech et de Moderna, les économistes ont commencé à revoir leurs prévisions pour 2021 et 2022, mais à la marge. «Les perspectives de croissance mondiale pour les deux prochaines années se sont éclaircies de plusieurs dixièmes de pour cent depuis nos dernières prévisions. Notre hypothèse d’atteinte de l’immunité collective dans les économies développées a été avancée d’un ou deux trimestres, à fin 2021 voire plus tôt dans certains cas», indiquent les économistes de Deutsche Bank. Ce qui offre un horizon de temps pour la levée définitive des restrictions. «L’existence d’un vaccin permettrait d’imaginer que cette crise se termine en un temps fini», relève Philippe Waechter, économiste chez Ostrum AM.
De quoi dynamiser la croissance dès l’an prochain de 1 point en Europe et aux Etats-Unis, selon DB qui a revu en hausse sa prévision pour la zone euro de 5,4% à 5,6% et pour les Etats-Unis de 3,3% à 4%. La croissance mondiale devrait rebondir de 5,9% (contre 5,3% prévu précédemment). Mais dans la zone euro, c’est pour 2022 que la révision est la plus marquée de 3,5% à 4,4%. Ces prévisions intègrent néanmoins l’apport positif du plan de relance européen, pour l’instant englué. En 2021, l’effet positif du vaccin ne porte que sur quelques mois (car tant que l’immunité collective ne sera pas atteinte, les restrictions pourront être maintenues), ce qui est suffisant pour compenser l’effet négatif des confinements au quatrième trimestre cette année, qui pèsent nettement sur la croissance.
Amélioration à partir du deuxième trimestre 2021
«Pour le moment on ne constate que des révisions de croissance à la marge et concentrées sur 2022», note Jean-Jacques Friedman, directeur de la gestion chez Natixis WM. Car la plupart des scénarios élaborés par les économistes intégraient déjà le vaccin. C’est le cas de Goldman Sachs qui se montrait déjà particulièrement optimiste : «En supposant que la FDA (Food and Drug Administration) approuve au moins un vaccin d’ici janvier et que la vaccination de masse de la population commence peu après, comme nous le prévoyons, la croissance devrait reprendre nettement au deuxième trimestre». A 6% en 2021 dans le monde et 4,6% pour 2022, leurs prévisions étaient déjà nettement au-dessus du consensus.
Mais les défis qui se dressent avant que le vaccin ne puisse être largement diffusé sont énormes. Ce qui incite d’autres économistes à laisser inchangées leurs prévisions. «Nous attendons d’abord des nouvelles sur l’approbation des vaccins, leur production et leur distribution», affirme Nomura. Même constat chez Oxford Economics : «Nous continuons de penser que la distribution du vaccin ne sera suffisante pour permettre la levée de façon significative et permanente des restrictions dans un certain nombre de pays que mi-2021», observe Ben May, économiste chez Oxford Economics.
Fed et BCE restent prudentes
Mais ce n’est pas la seule inconnue. D’abord l’attitude des gouvernements dans l’attente de la diffusion large du vaccin va aussi compter dans le rythme de croissance des prochains mois. Ils pourraient en effet maintenir les restrictions ou les durcir pour éviter de perdre le contrôle de la pandémie avant cette échéance, un risque à la baisse sur les prévisions de croissance. Se pose aussi la question de la confiance des ménages et des entreprises. «Elle pourrait prendre du temps avant d’être pleinement restaurée, malgré l’approbation du vaccin», jugent les économistes de Nomura. Il faudra des nouvelles bien plus concrètes pour que l’investissement des entreprises reprenne, notamment. Christine Lagarde, comme Jerome Powell ont tous deux salué les bonnes nouvelles des vaccins tout en avertissant que les perspectives économiques restaient incertaines. Mais pour les économistes, une chose est sûre, «cela réduit les risques à la baisse pour les perspectives 2021, car de nouvelles restrictions sont désormais moins probables», note Daniela Ordonez, économiste chez Oxford Economics.
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