Le respect de l’équité devra être le seul guide dans le dossier EDF

Le conseil de l'énergéticien se réunit jeudi et pourrait rendre son avis sur l’offre de l’Etat. Avant même que le député Philippe Brun n’ait présenté son rapport sur le groupe.
Bruno de Roulhac
EDF
Le prix d’indemnisation de 12 euros par action EDF est-il équitable dans le contexte du dossier ?  -  Photo DR.

Alors que Luc Rémont, candidat PDG d’EDF est auditionné ce matin devant la commission des affaires économiques du Sénat, s’ouvre la dernière ligne droite pour les administrateurs d’EDF. Ils devraient se prononcer jeudi sur le projet d’offre publique d’achat simplifiée (OPAS) de l’Etat. Le comité ad hoc, composé de trois administrateurs indépendants (Bruno Cremel, Colette Lewiner et Philippe Petitcolin) et d’un administrateur salarié (Christian Taxil), émettra au préalable une recommandation au conseil sur l’intérêt de l’offre pour la société, les actionnaires, les porteurs d’Oceanes et les salariés. La responsabilité est lourde pour ces administrateurs alors que le prix offert de 12 euros est bien loin des 32 euros de l’introduction. Ils ont la possibilité de ne pas soutenir cette offre et de montrer leur opposition, comme l’a fait cet été, le PDG sortant, Jean-Bernard Lévy, en déposant une demande indemnitaire de 8,34 milliards d’euros auprès de l’Etat. Le calendrier semble bien rapide, alors que le député Philippe Brun publiera son rapport spécial sur EDF au plus tard le 9 novembre et le présentera le lendemain devant la commission des finances de l’Assemblée nationale.

Dans la note en réponse d’EDF attendue dans les prochains jours, le rapport de l’expert indépendant, Finexsi, sera scruté de près. Conformément à la réglementation, l’expert doit se prononcer, non sur le prix de l’offre, mais sur l’équité. Et cette attestation qui conclut sur le caractère équitable du prix est établie « au regard du contexte et du fondement réglementaire de la mission de l’expert », selon une instruction de l’AMF. Aussi, dans un courrier adressé à Finexsi, Colette Neuvillerappelle que l’expert indépendant doit prendre en compte la situation de conflit d’intérêts de l’Etat, initiateur de l’offre, à la fois responsable de l’intérêt collectif et de l’intérêt de la société, de ses salariés et de ses actionnaires, en tant qu’actionnaire majoritaire. Il doit aussi tenir compte de l’intention de l’Etat de procéder à un retrait obligatoire.

Une valeur dépréciée par les décisions de l’Etat

Aussi, une seule question se pose : le prix d’indemnisation de 12 euros par action EDF est-il équitable dans le contexte du dossier ? Plusieurs élements entrent en jeu. En premier lieu, Colette Neuville relève les « conditions très contestables » de l’appel à l’actionnariat populaire de 2005, en raison de la « pression des conseillers bancaires sur leurs clients ». L’AMF avait d’ailleurs sanctionné BNP Paribas et la Société Générale pour ces ventes forcées. En second lieu, la présidente de l’Adam met en avant un bilan 2005-2022 positif pour l’Etat, actionnaire majoritaire, mais négatif pour les minoritaires. Sur la période, le retour sur investissement dividende réinvesti est négatif de 13% pour l’actionnaire d’EDF, contre +140,6% pour le CAC 40 et +30,85% pour un détenteur de Livret A. L’association d’actionnaires salariés d’EDF, Energie en actions, a déjà démontré que la cotation d’EDF a été « largement profitable » à l’Etat.

« En prenant des décisions d’intérêt général mais préjudiciables à la société, l’Etat a largement contribué à en déprécier la valeur. Il serait tout à fait inéquitable, et même scandaleux, que l’Etat puisse mettre à profit cette dépréciation pour faire une bonne affaire », résume Colette Neuville.

Savoir adapter les méthodes

Par ailleurs, le courrier aux experts s’étonne que l’initiateur écarte l’actif net comptable comme critère de valorisation, alors qu’il ressort à 12 euros au 30 juin 2022. Soit un prix d’offre ne présentant aucune prime d’expropriation. En revanche, l’initiateur retient trois critères. Primo, le cours de Bourse. Or cette référence est « d’autant plus inacceptable que la période de référence utilisée par l’Etat cumule les décisions pénalisantes » pour la société, précise la lettre. Secundo, les objectifs de cours des analystes pâtissent aussi des décisions de l’Etat et n’intégraient pas encore la demande indemnitaire de 8,34 milliards d’euros, ni le relèvement du prix de l’Arenh. Tertio, la valorisation par sommes des parties ne peut être crédible alors que le plan d’affaires du groupe n’est pas connu. De plus, Colette Neuville s’interroge sur la valorisation des activités de commercialisation et de production. Elle ressort entre 15,4 et 17,2 milliards d’euros selon l’Etat, mais à 42,7 milliards selon les analystes.

Aussi, « à défaut de pouvoir utiliser les méthodes de valorisation habituelle, la méthode la plus équitable serait de réduire le dossier à une opération blanche, donc au prix d’introduction (32 euros), dividendes exclus (15,42 euros) soit un prix de 16,48 euros », estime la présidente de l’Adam. Plus largement, elle invite les experts indépendants à ne pas se limiter leur méthode au « respect aveugle des pratiques habituelles qui ont leur utilité en temps normal, mais dont l’usage peut aboutir à des solutions profondément injustes quand les circonstances sont extraordinaires, comme c’est le cas aujourd’hui pour EDF ».

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