EDF mise sur l’expert indépendant pour tenir compte de l’indemnité réclamée à l’Etat

Jean-Bernard Lévy répond à Colette Neuville. L’énergéticien ne déposera pas de recours contentieux avant la réponse de l’Etat, attendue au plus tard le 9 octobre.
Bruno de Roulhac
EDF avait déjà bataillé une première fois avec succès contre la Commission. Photo DR.
Le 27 juillet 2022, EDF a désigné le cabinet Finexsi comme expert indépendant pour procéder à la valorisation de la société.  - 

La balle est dans le camp de l’expert indépendant dans le dossier EDF. En réponse au courrier de Colette Neuville demandant à l’énergéticien de déposer en urgence un recours contentieuxen indemnisation, le PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, a affirmé dans une lettre, consultée par L’Agefi, que la demande indemnitaire « est une étape préalable nécessaire à tout recours devant le juge administratif et il est usuel d’attendre une décision de l’Etat, explicite ou implicite, avant de saisir le juge administratif qui, en tout état de cause, ne se prononcerait pas avant de connaître la position de l’Etat ».

Dans un nouveau courrier, Colette Neuville rappelle que s’il est usuel « d’attendre la réponse de l’Etat, implicite ou explicite, pour introduire un contentieux, cela n’est pas une obligation », s’appuyant sur une décision du Conseil d’Etat du 27 mars 2019.

EDF ayant déposé le 9 août dernier une demande indemnitaire, « pour un montant estimé à date de 8,34 milliards d’euros » auprès de l’Etat, ce dernier doit répondre avant le 9 octobre, l’absence de réponse valant refus. En tout état de cause, l’offre de l’Etat sur EDF sera déposée avant cette date, et vraisemblablement cette semaine. « Vous prenez ainsi le risque que votre demande d’indemnisation ne soit pas prise en compte lors de l’examen de la conformité » de l’offre publique de retrait obligatoire (Opro), rétorque Colette Neuville à Jean-Bernard Lévy.

L’absence de contentieux ne lèse pas les minoritaires, selon EDF

Toutefois, cette demande indemnitaire non contentieuse « ne lèse […] en rien les intérêts de la société ou de ses parties prenantes, et notamment des actionnaires minoritaires », assure le PDG d’EDF. En effet, il ajoute qu’il « revient à l’expert indépendant de procéder à la valorisation de la société, y compris en tenant compte de l’impact éventuel des demandes formulées par EDF le 9 août. La société coopère naturellement avec l’expert pour lui permettre d’assurer sa mission ». En attendant, « je prends donc acte de vos affirmations tout en soulignant qu’elles engagent votre responsabilité, ainsi que celle du conseil de faire en sorte que le montant du préjudice estimé soit effectivement pris en compte par l’expert dans la valorisation de la société », poursuit Colette Neuville.

Le 27 juillet dernier, EDF a nommé, sur proposition du comité ad hoc, le cabinet Finexsi, représenté par Olivier Péronnet et Olivier Courau, en qualité d’expert indépendant. Au bout d’un mois, le rapport devrait être bientôt finalisé. Aussi, Jean-Bernard Lévy laisse sous-entendre que le préjudice a bien été pris en compte dans le calcul des experts… On imagine mal en effet que le patron de la cible fasse pression sur l’expert indépendant. Contacté par L’Agefi, Finexsi s’est refusé à tout commentaire. Il faudra donc attendre la réponse lors de la publication du rapport de l’expert indépendant dans le projet de note en réponse d’EDF, attendu courant septembre.

La jurisprudence intègre l’aléa positif dans le prix d’offre

En 2004, dans le dossier Grande Paroisse, l’évaluateur estimait que l’action ut singuli « pourrait avoir une incidence » sur la valorisation de la société, et que cette « incidence théorique est d’ores et déjà intégralement prise en compte dans le prix de l’offre » Le prix offert était en effet de 3,50 euros par action, alors que l’actif net réévalué n'était que de 0,14 euro par action et les multiples boursiers de 0,15 euro. En 2017, dans le dossier EuroDisney, l’expert indépendant avait pris en compte « l’aléa positif » pouvant résulter de l’action ut singuli engagée par le fonds activiste Ciam, réclamant 930 millions d’euros devant les tribunaux. Soit 0,99 euro par action. Le prix d’offre de 2 euros par action « intègre implicitement la réalisation des aléas positifs à des niveaux de probabilité et de valeur très élevés, ce qui nous paraît favorable aux actionnaires minoritaires et ne remet pas en cause, selon nous, le prix d’offre […], y compris en cas de retrait obligatoire », concluait alors l’expert indépendant. En effet, ce dernier accordait au mieux 0,28 euro par action sur le critère des cash-flows actualisés (DCF) et 0,27 euro en se basant sur les comparables boursiers. Tous les espoirs sont donc permis dans le dossier EDF.

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