
Les minoritaires d’EDF attendent beaucoup de l’expert indépendant

Du travail pour l’expert indépendant dans le dossier EDF ! Depuis 2020, il doit tenir compte des remarques adressées par les actionnaires, et expliquer pourquoi il a, ou non, tenu compte de ces observations dans ses travaux. Selon le calendrier indicatif donné par l’Etat, le rapport de Finexsi sera publié le 27 octobre. Un délai court pour analyser les interrogations des minoritaires.
Dans une note de 18 pages, Energie en actions, association des actionnaires salariés et anciens salariés d’EDF, invite à prendre en en compte la situation particulière de ce projet d’OPA, « qui doit conduire à revoir et à adapter les méthodologies habituelles d’évaluation ». L’association rappelle que l’entrée en Bourse d’EDF fin 2005, s’accompagnait d’un contrat de service public entre l’Etat et EDF, mais les engagements de l’Etat « n’ont absolument pas été respectés ». Aussi, elle considère qu’il « y a eu tromperie des investisseurs dans la note d’opération […] sur la couverture des coûts par les tarifs intégrés et les prix de vente aux clients éligibles ». Elle s’interroge aussi sur la qualité de l’information donnée à l’époque aux particuliers.
Une cotation «largement profitable» à l’Etat
Energie en Actions constate que l’entrée en Bourse d’EDF a été « largement profitable » à l’Etat. Depuis 2005, EDF a perçu 17,7 milliards d’euros de dividendes, vendu des actions pour 4,8 milliards – pour un prix moyen de cession de 54,5 euros –, et participé à des augmentations de capital pour 5,5 milliards, soit un solde net positif pour l’Etat de 17 milliards. En revanche, les minoritaires ont acquis des titres et participé à des augmentations de capital pour 13,4 milliards, et touché 3,9 milliards de dividendes, soit un solde négatif de 9,5 milliards, selon les calculs de l’Association.
Aussi, pour « atteindre une ‘opération blanche’ pour les minoritaires en euros courants avant prélèvements sur dividendes, l’Etat devrait proposer au moins 9,5 milliards d’euros [aux minoritaires], soit un prix minimal de 15,03 euros par action, note Energie en Actions. Afin d’assurer un bilan équivalent sur la période pour l’Etat et les minoritaires au prorata de leur part actuelle au capital, il faudrait même que le prix de l’offre soit relevé à 16,95 euros par action ». L’association rappelle aussi que la Cour des Comptes écrivait en 2015 que « la préoccupation majeure de l’État actionnaire a été que le groupe continue à servir un dividende substantiel, malgré une situation financière fragile et même au prix d’un surcroît d’endettement ».
Les minoritaires payent le coût de l’intérêt général
En outre, comme régulateur, l’Etat n’a pas traité normalement l’entreprise, en imposant des charges ou des décisions (par exemple, l’arrêt de Fessenheim, et l’absence de révision du prix annuel de l’Arenh) sans en compenser les conséquences financières, poursuit Energie en actions. Les manques à gagner, conséquences des décisions des trois dernières années, auxquels s’ajoute l’indemnité réclamée par EDF, sont chiffrés à 15,1 milliards par Energie en actions, soit 3,88 euros par action « qui devraient a minima être ajoutés à l’offre de l’Etat ». D’ailleurs, le flou demeure toujours sur l’avancée du recours devant le Conseil d’Etat et la demande indemnitaire déposée par EDF auprès de l’Etat, pour un montant estimé début août à 8,34 milliards d’euros.
Ce courrier ne sera pas le seul. D’autres minoritaires peaufinent leurs remarques sur le projet d’OPA. Ils pourraient s’engouffrer dans les brèches faites par Energie en actions. Notamment sur le choix des banquiers introducteurs de ne pas mentionner les raisons de la chute du cours fin 2021 liées à la baisse du prix de l’Arenh. Sur le choix de retenir les objectifs de cours uniquement entre le 20 mai et le 5 juillet 2022, « dans un contexte de décisions très pénalisantes pour EDF », et sans tenir compte des annonces postérieures plus favorables. Sur la valorisation par somme des parties, alors que le programme du nouveau nucléaire n’a pas été pris en compte et que l’initiateur retient une « hypothèse très défavorable » d’un maintien du prix de l’Arenh à 42 euros sur 2023 et 2024.
Plus largement, l’Etat, initiateur de l’offre se trouve en plein conflit d’intérêts, comme actionnaire majoritaire et défenseur de l’intérêt général. De fait les minoritaires subissent directement les décisions de l’Etat, prises, non dans l’intérêt de la société, mais dans un objectif d’intérêt général pour limiter la facture d’électricité des consommateurs français.
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