
Le marché anticipe un risque élevé de défaut de la Russie

Les nouvelles sanctions occidentalesvisant les banques russes, au travers de la messagerie Swift, et la Banque centrale de Russie (CBR) ont fait bondir les CDS (credit default swaps) de la Russie. Ces instruments, qui permettent de se protéger contre le défaut d’un émetteur (souverain comme corporate), ont dépassé leur pic de 2014, au moment de l’annexion de la Crimée et des premières sanctions américaines à la Russie, au-delà de 1.000 points de base (pb). Au niveau de cours atteint par le CDS 5 ans, le marché attribue désormais une probabilité de 65% de défaut de la Russie, selon Bloomberg. Fait rare, ces contrats ne traitaient plus en points de base, les vendeurs demandant à ce que la prime soit payée immédiatement au vu du risque élevé de défaut. Le coût de la protection valait 4,6 millions de dollars pour 10 millions d’obligations couvertes à cinq ans.
«Ces mesures augmentent le risque de crise de liquidité pour l’économie russeet de profonde récession», affirme Lee Hardman, analyste chez MUFG. En coupant en grande partie l’accès aux devises comme le dollar ou l’euro, les sanctions visent à asphyxier l’économie russe. Sans ces liquidités, les entreprises et les banques risquent notamment de ne pas pouvoir faire face à leurs engagements externes. La banque centrale russe dispose bien sûr d’un trésor de guerre mais dont l’utilité est amoindrie par le gel de ses actifs détendus dans les principaux pays occidentaux (50% selon les estimations de l’Institut of International Finance - IIF). Elle ne pourra donc pas venir se substituer aussi facilement aux entités à court de liquidités.
Vague de défauts
La décision de Vladimir Poutine, le président russe, d’interdire les transferts de devises par les résidents russes vers l’étranger, y compris pour le paiement des dettes en devise, risque en outre de déclencher une vague de défauts. «Si les sanctions sont maintenues et qu’il y a une escalade dans la crise, alors le défaut et la restructuration sont probables», ajoute Elina Ribakova, économiste à l’IIF, pour qui les restrictions d’accès étendues sur le dollar mettront probablement les institutions financières et d’autres entreprises en situation difficile, d’autant que le gel des actifs et l’interdiction des transactions avec la CBR compromettra considérablement sa capacité à fournir des liquidités en dollars à l'économie.
Au-delà de l’aspect liquidités, qui est central dans le contexte actuel, les difficultés économiques de la Russie risquent également de provoquer des situations de défaut. L’impact des sanctions sur les flux financiers va réduire les échanges entre la Russie et une grande partie de ses partenaires, sauf pour le moment sur une partie non négligeable de ses exportations (gaz, blé…). La chute du rouble va entraîner un bond de l’inflation, qui atteignait déjà des niveaux élevés (8,7% en janvier) et avait contraint la CBR à resserrer sa politique monétaire ces derniers mois, via l’inflation importée. Face à cette situation, la banque centrale a plus que doublé son taux directeur lundi à 20%.
La chute du rouble, la crise de liquidité, l’inflation, la diminution des échanges… l’économie russe devrait sombrer cette année dans une profonde récession. Les économistes anticipent une contraction de plus de 10% du PIB. Ceux de JPMorgan s’attendent à une chute de 20% du PIB au deuxième trimestre (en rythme trimestriel), avec des risques clairement orientés à la baisse. Ils s’attendent aussi à un impact sur la croissance potentielle. «L’isolement politique et économique de la Russie va réduire la croissance potentielle dans les années à venir et la tendance de croissance long terme à 1% contre 1,75% précédemment», estiment les économistes de JPMorgan.
Dette externe de 475 milliards de dollars
L’IIF rappelle néanmoins que le montant de dette souveraine externe de l’Etat russe est de 60 milliards de dollars, ce qui limite l’impact d’un éventuel défaut. Les CDS anticipent un taux de recouvrement de 25%. Bloomberg estime pour sa part la dette en dollar à 33 milliards. Depuis 2014, et les premières sanctions occidentales, la Russie a nettement diminué sa dette externe. Elle s’élève néanmoins à 475 milliards de dollars au total (dont 209 milliards libellés en dollars). Les dépôts des ménages et des entreprises en devises s’élèvent à 200 milliards de dollars (les réserves de changes de la CBR étaient de 640 milliards de dollars). «Alors que les sanctions imposées en 2014 ont contraint les banques russes et les entreprises à se désendetter significativement ces dernières années (plus de 250 milliards de dollars), le passif externe total du pays reste autour de 480 milliards de dollars, indique l’IIF. Parmi ces dettes, 135 milliards de dollars sont dus à un an.» Un montant non négligeable, justifiant la forte hausse de la probabilité de défaut.
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