
La réélection d’Emmanuel Macron dégage l’horizon de la zone euro

Ils doivent être nombreux dans le monde économique et financier à avoir poussé un « ouf » de soulagement dimanche à 20 heures. La victoire d’Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle face à Marine Le Pen, avec environ 58,5% des suffrages, écarte le risque ce lundi d’un bain de sang sur les marchés. En raison d’un programme qui, à défaut d’évoquer un Frexit, semait les germes de la désunion européenne, la candidate du Rassemblement national menaçait de provoquer une tempête en zone euro dans les prochaines semaines en cas d’accession à l’Elysée.
Si elles s’étaient bien gardées de prendre position publiquement pour un candidat, les institutions financières françaises n’en guettaient pas moins les résultats. « Un retour du risque souverain en zone euro du type de 2011 ne peut être écarté, avec certes un point de départ plus bas pour le niveau des taux, mais nettement plus tendu pour le niveau des dettes des ménages, des entreprises et des Etats », notaient les stratégistes de Natixis CIB le 22 avril. La spirale baissière est bien connue depuis la crise grecque : hausse des rendements obligataires de la France et des pays du Sud de l’Europe, écartement des spreads de taux et de crédit, correction des marchés actions, dégradation de la solvabilité des banques et des assureurs exposés à l’économie et à la dette française, tensions sur la liquidité du secteur financier…
Plus de peur que de mal
« Bon courage pour vous couvrir contre ce type de risque ! », lançait le patron d’une grande banque à L’Agefi durant l’entre-deux tours. Dans la gestion d’actifs, « on aurait pu imaginer des sorties massives sur les fonds exposés aux émetteurs français dès lundi matin, avec des asset managers forcés de geler les rachats », explique le dirigeant d’un asset manager. Des fonds ouverts investis dans l’immobilier britannique avaient connu pareille mésaventure au lendemain du référendum sur le Brexit.
Les investisseurs ne croyaient cependant plus à ce scénario du pire depuis les résultats du premier tour. L’écart de rendement entre les dettes françaises et allemandes s’était brièvement élargi à 55 points de base début avril, avec la prise de conscience que le scrutin s’annonçait plus serré qu’attendu. La semaine dernière, le spread OAT-Bund est revenu à 45 points de base, et le débat d’entre-deux tours, au désavantage de Marine Le Pen, n’a pas inversé la tendance.
Remontée des coûts d’emprunt
L’impact sur les marchés de la réélection d’Emmanuel Macron pourrait donc être limité. D’autant que l’horizon n’est pas dégagé pour autant. Avec le locataire de l’Elysée, les investisseurs avancent en terrain connu ; mais un terrain meuble et semé d’embûches. Ce scrutin disputé a fait émerger une France en morceaux, où les candidats qui prétendent contester le système ont rassemblé 60% des suffrages au premier tour. Le troisième tour, lui, a déjà commencé, avec le rendez-vous des législatives les 12 et 19 juin prochains. Une cohabitation n’est pas à exclure.
Aux risques de blocage politique ou de tensions sociales, s’ajoutera le dur retour aux réalités économiques. La campagne présidentielle s’est résumée ces quinze derniers jours, comme lors des premières minutes du débat Macron-Le Pen, à un catalogue de promesses pour soutenir le pouvoir d’achat des Français. La question des finances publiques a été largement occultée, alors que le pays émerge du Covid avec un ratio de dette à 113% du produit intérieur brut fin 2021 (lire par ailleurs). Or, en trois mois, les taux d’emprunt à 10 ans du pays sont passés de 0,3% à 1,41%, un niveau supérieur aux prévisions de la loi de finances 2022. La Banque centrale européenne s’apprête à retirer son soutien monétaire, la croissance ralentit, le coût de la transition énergétique pèse lourd sur les ménages.
Les stratégistes d’Aviva Investors France ont calculé qu’une augmentation pérenne de 100 points de base des taux 10 ans français se traduirait par une augmentation de la charge de la dette de 150 milliards d’euros en cumulé d’ici 2030. « Sans réformes qui permettent de relancer la croissance de long terme ou d’effort budgétaire marqué, la dette aura plutôt tendance à augmenter », écrivent-ils. En cas de statu quo, « l’Etat providence à la française sera sous pression budgétaire », alerte l’agence Scope Ratings. Pour le locataire de l’Elysée, le plus dur commence.
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