La ligne Truss à l’épreuve des marchés

Le programme économique de la nouvelle Première ministre britannique rend les investisseurs nerveux.
Alexandre Garabedian
Alexandre Garabedian
Alexandre Garabedian, directeur de la rédaction de L’Agefi.  - 

Maggie est de retour. Désignée comme successeur de Boris Johnson au Royaume-Uni, Liz Truss dit s’inscrire dans les pas de Margaret Thatcher. Au premier, elle emprunte ses accents populistes et son sens de l’opportunisme ; à la seconde, ses tenues vestimentaires et quelques recettes libérales, mais sans les convictions de la Dame de fer. La nouvelle Première ministre – la quatrième en six ans – a de menus problèmes à régler : une croissance en berne, une crise énergétique qui nourrit les tensions sociales, des déficits budgétaires et extérieurs massifs, et une relation compliquée avec l’Union européenne. Les réponses qu’elle y apportera sont dignes d’intérêt pour l’ensemble des investisseurs.

Le programme économique de Liz Truss fleure bon l’anachronisme. La locataire de Downing Street propose de revenir sur les hausses d’impôt et de taxes décidées par son prédécesseur, puis de réduire de manière pérenne la pression fiscale dans un pays où celle-ci reste raisonnable. En stimulant la demande, elle alimenterait donc les pressions inflationnistes au pire moment. Le gouvernement britannique devrait aussi présenter dans les prochaines semaines un programme d’urgence afin de plafonner la facture énergétique des ménages et des entreprises. Il pourrait coûter jusqu’à 150 milliards de livres en dix-huit mois. Dans le nouveau monde annoncé par la guerre en Ukraine, d’autres postes budgétaires, comme celui de la défense, sont voués à s’accroître.

Risque de dérapage

Liz Truss attend de ce stimulus budgétaire qu’il fasse repartir la croissance et, par un cercle vertueux, équilibre ses comptes. A en juger par la dégringolade de la livre sterling et la hausse des taux d’emprunt britanniques, les marchés financiers s’inquiètent davantage aujourd’hui d’un risque de dérapage incontrôlé des finances publiques. Le Royaume-Uni est déjà l’un des pays dont le ratio d’endettement s’est le plus dégradé depuis la pandémie de Covid. L’inflation et la hausse des taux renchérissent le service de la dette, et la protection que conféraient les interventions massives des banques centrales s’estompe.

Dispendieux et inflationniste, le programme de Liz Truss devrait même encourager la Banque d’Angleterre à poursuivre sa politique restrictivepour garder dans son camp les investisseurs étrangers. La dirigeante ne l’entend pas de cette oreille et affirme qu’elle pourrait changer le mandat de l’institution. La banque centrale est loin d’afficher un bilan sans taches, mais une remise en cause de son indépendance, acquise il y a vingt-cinq ans, ferait entrer Londres dans une dangereuse zone de turbulences. Les bond vigilantes, espèce disparue sous nos latitudes à l’ère de l’assouplissement monétaire quantitatif, recommencent à exercer leur surveillance sur les Etats impécunieux, notamment par le biais du taux de change. Un réveil à méditer dans toutes les capitales.

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