
Cet effet de ciseau qui fragilise la France

Dans cette drôle d’élection où les perdants transforment les défaites en victoires, et vice-versa, le président de la République n’aura même pas bénéficié de vingt-quatre heures d’état de grâce. Et pas seulement parce que la campagne des législatives a commencé dès la proclamation des résultats du second tour. Emmanuel Macron rempile en effet à l’Elysée au pire des moments : l’économie française flanche, l’inflation alimente les tensions sociales, et le robinet de l’argent gratuit est en passe de se refermer. Des recettes sous pression, des charges qui augmentent, l’effet de ciseau est délétère à l’entame du quinquennat.
Le gouvernement a largement usé du levier budgétaire pour préserver du choc énergétique le pouvoir d’achat des Français. Il a profité de rentrées fiscales meilleures que prévu en 2021 et d’une dette à prix cadeau. Cet argent magique va s’épuiser, alors même que la demande de protection des citoyens s’intensifie et que les partis populistes sont prêts à jouer dès cet été un troisième tour social dans la rue. L’économie semble promise, au mieux, à la stagnation d’ici à l’automne, à en croire les prévisionnistes. L’inflation continuera à amputer le revenu disponible des ménages ces prochains mois. Elle pèsera aussi sur les marges et les capacités d’investissement des entreprises qui seraient incapables de passer leurs coûts de production à leurs clients.
A moyen terme, deux transitions – verte et géopolitique – accroîtront la pression sur les finances publiques. La décarbonation de l’économie pénalise de manière disproportionnée les populations les plus tentées par le vote extrême : pour elles l’Etat va devoir inventer un « bouclier tarifaire » permanent et forcément dispendieux. L’invasion de l’Ukraine et la montée en puissance militaire de la Chine annoncent, pour leur part, une forte hausse des budgets de défense dans l’Union européenne. Une tendance déjà engagée.
Pour satisfaire toutes ces demandes, le pays ne peut plus s’appuyer sur un levier monétaire illimité. La Banque centrale européenne commence à retirer les mesures d’exception mises en œuvre quand la déflation guettait. Cela suffit déjà à faire changer la zone euro de régime de taux : les investisseurs cessent de rémunérer les Etats pour leur prêter. Avec des niveaux de dette historiquement élevés au sortir du Covid, le moindre écart se paiera cash. Corrigés de l’inflation, les taux réels restent certes négatifs, et les ratios d’endettement s’améliorent par un effet mécanique, mais il devient plus difficile de tirer des chèques au débit des générations futures. Une remontée de 100 points de base des taux français sur toutes les maturités se traduirait, au bout de dix ans, par une surcharge annuelle d’intérêts de 39 milliards d’euros, calcule la Banque de France. L’équivalent du budget d’un ministère régalien.
Emmanuel Macron devra donc opérer des choix douloureux. Trier dans les missions et les dépenses de l’Etat. Mais en aura-t-il la légitimité, alors que la campagne, à l’exception des retraites, a escamoté ce débat ?
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