Banques centrales : l’importance de la communication

Interviews, discours, et même interventions sur les réseaux sociaux occupent une place singulière dans la panoplie des institutions monétaires. De tels outils contribuent à réduire l’incertitude et donc les primes de risque, estime William De Vijlder, chef économiste du groupe BNP Paribas.
William de Vijlder
William De Vijlder, chef économiste du groupe BNP Paribas  -  DR

Les banques centrales disposent d’une panoplie d’instruments, courroie de transmission majeure de politique monétaire, pour communiquer avec les marchés financiers et les agents économiques en général : ménages et entreprises. Certains instruments sont utilisés ponctuellement, lorsque les circonstances économiques l’exigent : c’est le cas des orientations prospectives (forward guidance). D’autres moyens sont fréquemment employés : interviews, discours, podcasts, interventions sur les réseaux sociaux, conférences de presse. Ces initiatives permettent de clarifier l’orientation de la politique monétaire voire d’influencer le pricing des marchés. En résumé, on peut dire qu’elles contribuent à une réduction de l’incertitude et donc des primes de risque, ce qui bénéficie à l’économie.

En cette période, la communication des banques centrales est plus que jamais importante. Nous sommes entrés dans une ère de politique monétaire dépendante des données économiques. Les grandes banques centrales entendent éviter d’assouplir trop vite la politique monétaire ou - jusqu’à l’automne dernier - d’aller trop loin dans les hausses de taux.

Plusieurs facteurs justifient cette position : incertitudes sur la transmission monétaire (les resserrements antérieurs ont-ils produit tous leurs effets ?), problématique du «dernier kilomètre» de la désinflation (cette phase sera-t-elle plus difficile que le début du parcours ?), amélioration progressive des enquêtes de conjoncture en zone euro et croissance soutenue de l'économie américaine. Les facteurs qui sous-tendent le choix des banques centrales pour une politique de data dependency incitent les marchés financiers à adopter une approche similaire, la performance de leurs investissements dépendant de l’évolution des taux officiels. En outre, les investisseurs pâtissent du même manque de visibilité à moyen terme que les banquiers centraux. Cela limite leur velléité à s’écarter significativement de leurs benchmarks et/ou les oblige à raccourcir leur horizon d’investissement.

Il en découle une grande sensibilité des marchés financiers lorsque les données économiques évoluent de manière inattendue et conduisent à réviser les scénarios les plus probables. Dans l’analyse des scénarios, le calendrier du premier assouplissement monétaire, le rythme des baisses suivantes et le point d’atterrissage des taux officiels occupent une place primordiale, ce qui explique l’importance de la communication des banques centrales.

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Des approches différentes de part et d’autre de l’Atlantique

Sur ce point, on note d’importantes différences dans la communication de la Réserve fédérale et de la BCE. Cette dernière publie régulièrement ses prévisions économiques - hors taux d’intérêt - ainsi que celles de l’Eurosystème, tandis que la Réserve fédérale communique les prévisions de ses équipes avec plusieurs années de retard. En revanche, les membres du Comité monétaire publient chaque trimestre leurs projections économiques : croissance, inflation, chômage et le taux des fonds fédéraux (le dot plot). Ces projections n’ont pas valeur de prévision, pas plus que les projections du taux des fonds fédéraux n’ont valeur d’engagement. Elles constituent néanmoins un repère important pour les marchés financiers.

L’investisseur qui s’appuiera sur ces projections prêtera autant d’attention à la dispersion - une mesure de désaccord entre les membres du FOMC - qu’à la projection médiane. Plus la dispersion est grande, moins la projection médiane aura d’importance. En outre, il est crucial de savoir décrypter la communication des représentants de la Réserve fédérale. Ainsi, à l’issue de la publication des dernières projections de taux, certains membres du Comité ont insisté sur le fait que la prudence en matière d’assouplissement restait de mise et mis en garde contre toute précipitation. Sans entrer en contradiction avec le dot plot, ces déclarations apportent des nuances importantes. Par ailleurs, les membres du FOMC fournissent également une projection à long terme du taux des fonds fédéraux pouvant être croisée avec les estimations régulièrement publiées du taux d’intérêt neutre. Ces éléments sont importants pour les investisseurs pour déterminer le point d’atterrissage de l’assouplissement monétaire.

En zone euro, l’absence de dot plot ou de publication régulière du taux neutre contraint les «central bank watchers» à chercher des repères dans les conférences de presse de Christine Lagarde ou la communication des membres du Conseil des gouverneurs.

La clarté de François Villeroy de Galhau

A ce propos, on doit saluer, pour sa clarté, le discours du gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, tenu à l’université Paris Dauphine le 28 mars dernier : «Nous commencerons probablement par une baisse modérée. Nous ne serons pas obligés ensuite de réduire les taux à chaque Conseil des gouverneurs, mais nous devrons en garder l’option. ». Autre remarque importante : «Nos prévisions regagneront de l’importance par rapport aux seuls indicateurs " backward looking " à mesure que nous retrouverons la confiance dans nos modèles.»

Finalement, il a mentionné que le taux neutre réel se situe désormais probablement dans une fourchette comprise entre 0 et 0,5%. En ajoutant la cible d’inflation, on peut en déduire que la politique monétaire serait neutre (ni accommodante, ni restrictive) pour un taux officiel nominal entre 2,0% et 2,5%. Dans nos prévisions, nous tablons plutôt sur la limite supérieure de cette fourchette comme point d’atterrissage du cycle de détente monétaire de la BCE.

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