
Credit Suisse doit casser le cercle vicieux

On appelle cela un but contre son camp. En assurant que Credit Suisse disposait de capitaux et de liquidités en abondance, son directeur général Ulrich Körner s’est montré aussi peu convaincant qu’un entraîneur de football jurant que «le groupe vit bien» au lendemain d’une cuisante défaite. Il n’en fallait pas davantage à la meute de Twitter pour sonner l’hallali et prédire au monde une nouvelle crise financière – on trouvera parmi ces pompiers pyromanes des sommités telles que le candidat souverainiste François Asselineau, de courageux boursicoteurs anonymes du forum Reddit et des sectateurs du bitcoin décidés à sacrifier le secteur bancaire sur l’autel de leur religion.
Non, 2022 n’est pas 2008, ni Credit Suisse une photocopie de Lehman Brothers. Poussées par la réglementation, les banques sont bien mieux dotées aujourd’hui en fonds propres et en actifs liquides qui peuvent être cédés par temps de stress. Et même si l’indicateur utilisé pour mesurer la fièvre de leurs créanciers, les fameux contrats de protection contre un risque de défaut ou CDS, s’échauffe depuis quelques semaines, les comparaisons sont trompeuses : en quinze ans, ce thermomètre a changé de nature et perdu en justesse.
Ne pas attendre fin octobre
Mais en finance, tout va très vite. Le caractère autoréalisateur des prophéties apocalyptiques, amplifié par la caisse de résonance des réseaux sociaux, peut faire voler en éclats le crédit des banques les plus solides. A fortiori celui d’un Credit Suisse, dont les erreurs de gestion à répétition ont émoussé la confiance des investisseurs. Gouvernance instable, scandales coûteux, accidents industriels, la liste est longue des écueils que le groupe n’a su éviter. La banque, pourtant l’un des leaders mondiaux de la gestion de fortune, vaut une misère en Bourse. Le plan de restructuration qu’elle a promis de présenter pour le 27 octobre nourrit tous les fantasmes sur la qualité de ses actifs, ainsi que la légitime inquiétude de ses actionnaires. Le grand nettoyage de sa banque d’investissement pourrait lui coûter des milliards et nécessiter une nouvelle recapitalisation, forcément douloureuse aux prix actuels.
D’autres, comme Deutsche Bank, sont passés par là il y a quelques années. L’environnement financier leur était plus favorable ; l’action des banques centrales anesthésiait le risque systémique. Celui-ci s’est réveillé depuis, au point que la Banque d’Angleterre a dû intervenir en catastrophe fin septembre pour sauver les fonds de pension britanniques d’un choc de taux. Nul doute que la Banque nationale suisse volerait elle aussi au secours de son secteur financier en cas de besoin. Pour Credit Suisse, le meilleur moyen de l’éviter et de casser le cercle vicieux qui menace est d’apporter des réponses claires et chiffrées aux marchés. Sans attendre la fin du mois.
Plus d'articles du même thème
-
Harvest commence à sortir du bois après sa cyber-attaque
Sonia Fendler, directrice générale adjointe chez Harvest, est intervenue à la Convention annuelle de l’Anacofi, quelques jours après s'être exprimée lors d'une réunion organisée par la CNCGP. Elle a donné des premiers éléments d’explications sur l’origine de la fuite de données et confirmé que la période d’indisponibilité des services ne sera pas facturée. -
La loi de finances 2025 a laissé aux banques un sentiment aigre-doux
Par souci de justice fiscale, la loi de Finances 2025 a apporté un certain nombre de modifications dont plusieurs touchent les banques de façon directe ou indirecte. Certaines dispositions ne sont pas à l’avantage du secteur bancaire mais d’autres sont plutôt bénéfiques. Zoom sur deux exemples concrets. -
Thomas Labergère (ING): «Il faut réconcilier le citoyen avec l'économie et la finance»
A l'occasion de l'événement Banques 2030 organisé le 27 mars par L'Agefi, Thomas Labergère, le directeur général d'ING en France, évoque les mesures nécessaires pour promouvoir la compétitivité des banques européennes.
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions