
Les banques doivent répondre à la pression des usages en cryptomonnaies

Depuis plusieurs années, le nombre de détenteurs de cryptomonnaies à travers le monde n’a cessé de progresser. Un phénomène également observé en France, avec des croissances très fortes depuis 2019.
Nul ne peut dire avec certitude dans quelle mesure cette tendance se confirmera à l’avenir. Cependant, si l’on compare la capitalisation totale des cryptomonnaies à celle d’autres produits d’investissement – si on accepte qu’elles soient considérées comme tel –, le potentiel de développement apparaît significatif. Actuellement, la capitalisation mondiale du marché de l’ensemble des cryptomonnaies représente environ 1.800 milliards de dollars, soit 14% de celle de l’or ou encore 3% de celle du marché actions américain. Une marge de progression importante pour ceux qui pensent que les cryptomonnaies peuvent jouer dans la même cour. La question sous-jacente est de savoir quelles sont les dynamiques d’usages pouvant effectivement conduire à cette croissance.
Intéressons-nous au cas de la France. Si les histoires de pertes ou de gains colossaux, de bulles, de rançons ou d’arnaques dominent dans les médias, celle d’un investissement d’un nouveau genre, apaisé et intéressant un public alternatif à celui des investissements classiques est sans doute plus proche de la réalité. C’est ce que démontre l’étude que nous venons de réaliser auprès d’un panel de 1.276 Français (étude Simon-Kucher, décembre 2021).
Plus que les actions
Premier enseignement de cette étude : on estime aujourd’hui la part des Français (18 ans et plus) ayant investi dans les cryptomonnaies à environ 9%. Cela signifie que la part de détenteurs de cryptomonnaies en France a d’ores et déjà dépassé celle des détenteurs d’actions, qui était de 7,6% en mars 2021 selon l’Autorité des marchés financiers. Même si les montants ne sont pas aussi importants, la prise de position est réelle.
Deuxième enseignement : les détenteurs de cryptomonnaies, de même que les intentionnistes, sont avant tout les populations le plus jeunes, avec 25% des 18-24 ans et 20% des 25-34 ans déclarant en détenir. Un phénomène qui est exacerbé chez les clients des néobanques. Le constat est traditionnellement inverse pour les actions ou les assurances-vie en unités de compte (UC), majoritairement détenues par les populations les plus âgées (1).
Corollaire de cette observation, les Français détenteurs de cryptomonnaies ne sont pas plus aisés que la moyenne, et cette conclusion est vraie aussi bien pour le critère de revenu que pour celui du patrimoine financier. Là aussi, la différence est tranchée avec ce que l’on peut constater pour les produits d’épargne financière classique, où l’on observe une nette surreprésentation des foyers avec les revenus et les patrimoines les plus développés (2).
3.500 euros en moyenne
Chez ceux qui franchissent le pas, l’investissement dans les cryptomonnaies apparaît en outre raisonnable, avec plus de 90 % des investisseurs déclarant y consacrer moins de 10% de leur épargne financière et 69% moins de 5%. Rien à voir avec l’image d’un épargnant qui choisirait d’y placer toutes ses économies dans l’espoir de faire fortune en quelques jours. La moyenne des investissements cumulés réalisés par le panel interrogé était ainsi de l’ordre de 3.500 euros.
En conclusion, tout se passe comme si les cryptomonnaies étaient en passe de devenir le produit d’épargne favori des jeunes générations. Or cet usage semble rejeté par les banques. Un tiers des Français investisseurs en cryptos ont par exemple déjà rencontré des difficultés pour effectuer un virement vers une plateforme depuis leur établissement bancaire.
Les banques ne pourront sans doute pas durablement se couper de ces nouveaux usages, car cette population est appelée à devenir le cœur de leur fonds de commerce et de leur PNB dans les années à venir. Il leur est donc impératif de se pencher sur une évolution de leur discours.
Ce que les banques peuvent faire
Plusieurs degrés peuvent être envisagés, sans qu’il soit nécessaire de basculer vers des scénarios trop extrêmes :
- un éclairage des clients sur les risques financiers encourus, notamment en termes de sécurité dans les cas de fonds détenus par une plateforme. Le niveau de protection offert n’est pas le même que celui des produits proposés par les banques ;
- un accueil du solde de cryptomonnaies détenues dans l’agrégateur de la banque afin de permettre au client de consulter l’ensemble de son patrimoine financier. Cela est déjà proposé par Boursorama via des API (interfaces de programmation d’application) ;
- un conseil sur la fiscalité des cryptomonnaies. La mécanique des plus-values est encore relativement complexe et peut occasionner des erreurs chez les détenteurs ;
- pour les populations les plus averties, un conseil financier éclairé sur des produits d’investissement plus classiques exposés aux cryptomonnaies (produits ETP et ETF – exchange-traded products/funds), en respectant bien sûr le profil de risque du client ;
- à terme, la proposition de détention de cryptomonnaies pour le compte des clients, comme cela est déjà proposé dans certaines banques suisses.
(1) La Lettre de l’Observatoire de l’épargne de l’AMF, juillet 2021 : les 65 ans et plus représentent 25,4 % des 15+ et 32,9 % des détenteurs d’actions en direct.
(2) La Lettre de l’Observatoire de l’épargne de l’AMF, juillet 2021 : les foyers avec un revenu mensuel net de plus de 6.000 euros représentent 4,2 % des Français de 15 ans et +, contre 15,9 % des détenteurs d’actions en direct ; les individus avec un patrimoine de plus de 150.000 euros représentent 4,5 % des 15+et 27,7 % des détenteurs d’actions en direct.
Pour aller plus loin, l’étude sur les crypto-monnaies, Simon-Kucher, mars 2022
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