
Vers une golden share de l’Etat au capital de TotalEnergies ?

«TotalEnergies est un fleuron qui doit le rester et qui doit participer à la souveraineté énergétique de la France». Les propos de Roger Karoutchi, président de la commission d’enquête lancée par le Sénat sur le pétrolier, ont dû faire plaisir à Patrick Pouyanné. Enfin partiellement.
Si le rapport rendu ce 19 juin affiche son attachement au géant français de l’énergie et reconnaît ses efforts en faveur de la transition énergétique, il estime que le pétrolier doit en faire plus. «TotalEnergies doit accélérer sa transition vers les énergies renouvelables, qui augmentent incontestablement dans son portefeuille d’investissements mais qui restent minoritaires par rapport aux investissements en pétrole et en gaz», a ainsi estimé le sénateur écologiste Yannick Jadot en tant que rapporteur de cette commission d’enquête.
Un droit de veto
Surtout, le rapport recommande au gouvernement de prendre une «action spécifique» au capital de l’entreprise. Cet outil de type «golden share» permettrait à l’Etat «d’avoir un droit de regard sur ce qui se passe [dans le groupe] et potentiellement un droit de veto sur des décisions comme le déplacement du siège social», a expliqué Yannick Jadot.
La commission a «affirmé sa confiance dans l’actuel PDG pour que TotalEnergies reste une grande société française et qu’elle reste cotée à Paris, comme il s’y est engagé. Mais Patrick Pouyanné n’est pas éternel», a ajouté Roger Karoutchi. «L’idée est d’avoir une action spécifique qui permet à l’Etat de s’opposer si quelqu’un voulait transférer la cotation principale à New York ou transformer le groupe en société américaine». Le président de la commission indique par ailleurs que l’option d’une montée au capital du pétrolier à hauteur de 5% a été envisagée mais abandonnée car trop coûteuse et jugée moins efficace.
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Le mécanisme de l’action spécifique, récemment renforcé par la loi Pacte, consiste en la transformation d’une action ordinaire détenue par l’Etat en un titre bénéficiant de droits exorbitants permettant notamment d’empêcher une cession de l’entreprise ou de ses filiales à des entités étrangères.
On est soucieux que Total reste un groupe français
«On est soucieux du fait que Total reste un groupe français, ça ne plaira peut-être pas aux investisseurs nord-américains mais c’est comme ça», a réagi Yannick Jadot après une question l’interrogeant sur une possible hostilité des marchés à ces annonces. De son côté, l’action TotalEnergies n’a pas cillé mercredi face à la perspective de cette possible golden share. Si les premières déclarations de Patrick Pouyanné concernant une éventuelle cotation principale du titre à New York avaient plutôt plu aux investisseurs en avril dernier, le PDG a depuis largement fait machine arrière sur ce sujet.
Une éventuelle mise en œuvre de la recommandation du Sénat dépendra en outre de la future majorité à l’Assemblée nationale, qui est encore bien incertaine à ce stade.
Pas de nucléaire
Outre ces recommandations concernant spécifiquement TotalEnergies, la commission a rendu des avis d’ordre plus général. Elle souhaite notamment renforcer les moyens de la Haute Autorité de la transparence de la vie publique pour mieux surveiller les allers-retours de dirigeants et hauts fonctionnaires entre l’administration publique et les entreprises privées. Elle encourage également les résolutions de type «say on climate».
Roger Karoutchi a aussi tenu à exprimer une déception à la suite de cette enquête sénatoriale. Il regrette que Patrick Pouyanné ait opposé une fin de non-recevoir à sa demande de voir TotalEnergies investir ne serait-ce qu’un tout petit peu dans le nucléaire. Une position ferme dont s’est, pour sa part, félicité Yannick Jadot.
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