Pour mieux se valoriser, TotalEnergies regarde vers Wall Street

Des déclarations du PDG, Patrick Pouyanné, laissent entendre que le pétrolier pourrait déménager sa principale place de cotation boursière de Paris vers New York.
Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies
Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies  -  TotalEnergies

Le géant du pétrole va-t-il déplacer sa cotation principale vers la Bourse de New York ? TotalEnergies n’a fait aucune annonce en ce sens et aucune décision n’a été prise mais le PDG du groupe, Patrick Pouyanné, a mis le sujet sur la table à l’occasion d’un entretien avec Bloomberg dont des éléments ont été publiés le jour de l’annonce des résultats trimestriels du groupe.

Interrogé sur le sujet par un journaliste de l’agence financière, il a répondu que la question «était légitime» et qu’il y avait «des raisons» pour envisager un tel mouvement. A l’occasion d’une conférence avec les analystes, il a en outre précisé que le conseil d’administration lui avait demandé d’étudier «sérieusement» la question et qu’une décision devrait être prise d’ici septembre.

«Nous sommes confrontés à une situation où les actionnaires européens, soit vendent soit maintiennent leurs positions, alors que les actionnaires américains achètent. Qu’est-ce qui est le plus pratique pour les actionnaires américains ? Préfèrent-ils que les actions soient principalement cotées à New York ou en Europe ? Je pense que lorsque vous posez la question, vous avez la réponse», a-t-il également indiqué à Bloomberg.

Et, en effet, depuis une décennie, le poids des investisseurs américains au capital de TotalEnergies n’a cessé de monter, passant de 30% à 40% entre fin 2012 et fin 2023, quand la part des Européens (hors Royaume-Uni) refluait de 51% à 44%. Sur les seuls investisseurs institutionnels, le poids des Américains atteint même 47%, contre 33% onze ans plus tôt, alors que l’Europe continentale ne représente plus que 34%. Si le groupe est présent aux Etats-Unis via des American depositary receipt (ADR), l’essentiel des échanges sur l’action sont aujourd’hui réalisés sur Euronext Paris.

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Forte décote par rapport à Chevron et Exxon

Au-delà du rapprochement géographique, Patrick Pouyanné a sans doute en tête les meilleures valorisations boursières captées par ses concurrents américains qui n’affichent pourtant pas de performances financières franchement supérieures. Les actions ExxonMobil et Chevron capitalisent ainsi environ 13 fois leurs profits nets anticipés par Factset pour 2024 contre seulement 8,1 fois pour le titre TotalEnergies, soit une décote de 38%. Et l’écart est sensiblement le même en matière de valeur d’entreprise sur excédent brut d’exploitation (Ebitda) ou de cours sur flux de trésorerie disponible. A l’inverse, le dividende du français offre un rendement nettement supérieur et son taux de retour sur capitaux employés est bien meilleur.

«Ce n’est pas une question d’émotions, c’est une question de business», a résumé le PDG dans son entretien avec Bloomberg.

Une rationalité que nuance toutefois Kim Fustier, responsable de la recherche pétrole et gaz chez HSBC. «L’écart de valorisation entre les majors américaines et européennes est une combinaison à la fois de la place de cotation et des stratégies et exécutions mises en œuvre», estime-t-elle. «La réalité est que de nombreux actionnaires américains n’apprécient pas les investissements des grandes compagnies pétrolières européennes dans la transition énergétique», poursuit l’analyste. Selon elle, une exposition plus importante à des pays moins sûrs, en Afrique, au Moyen-Orient ou en Asie, ainsi que des risques politiques (taxations) ou réglementaires plus élevés de ce côté de l’océan expliqueraient aussi une partie de la décote subie par les pétroliers européens.

Un message aux Européens ?

La question de savoir si «cela vaut la peine de traverser l’Atlantique pour une revalorisation d’environ 15% reste ouverte au débat», juge Kim Fustier qui considère en outre qu’une «faible valorisation n’est pas (encore) un problème stratégique pour les majors européennes étant donné qu’elles n’ont pas besoin de lever des fonds propres : elles génèrent d’importants cash flow, ont toujours un bon accès au marché de la dette et ne sont pas non plus intéressées par de grosses opérations de fusions-acquisitions à la Exxon-Pioneer ou Chevron-Hess».

Au global, l’analyste voit les annonces de Patrick Pouyanné comme «une initiative intelligente et sans frais, destinée à séduire les investisseurs américains et à envoyer un message (un avertissement ?) aux actionnaires et aux décideurs politiques européens». La simple évocation de ce projet de déménagement boursier a ainsi porté l’action TotalEnergies à un nouveau record historique vendredi, à plus de 70 euros.

Un départ du pétrolier de la cote française n’en constituerait pas moins un véritable séisme pour la place parisienne à l’heure où le gouvernement et les autorités de régulation essayent d’en améliorer l’attractivité. Avec une capitalisation boursière de 164 milliards d’euros, TotalEnergies est la deuxième plus forte pondération du CAC 40, derrière LVMH, et l’une des plus grandes entreprises françaises. A n’en pas douter, Patrick Pouyanné sera interrogé sur le sujet lors de son audition prévue ce lundi au Sénat même s’il s’est montré rassurant sur un point : le siège social restera en France.

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