
Stellantis s’offre une sortie de route sur le package record de Carlos Tavares

Cette année, la saison des assemblées générales tombe en pleine élection présidentielle. Pas de chance pourStellantis et son directeur général (DG) Carlos Tavares, dont la rémunération au titre de 2021 s’est invitée dans la campagne. Environ 19 millions d’euros selon le constructeur, 66 millions selon la société de gestion Phitrust : le package stratosphérique de l’artisan du redressement de PSA et de sa fusion avec Fiat-Chrysler a remis en pleine lumière la rémunération des grands patrons, éternel sujet de polémique.
«Choquant, mais moins choquant que pour d’autres», a affirmé mercredi la candidate Marine Le Pen. «Evidemment que ce ne sont pas des chiffres normaux», a estimé quant à lui le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, tout en renvoyant à la responsabilité des actionnaires du groupe immatriculé aux Pays-Bas.
Ceux-ci, réunis mercredi en assemblée générale virtuelle, ont tranché. Ils ont rejeté à 52% le rapport sur les rémunérations 2021 du groupe. La banque publique Bpifrance, actionnaire à 6,15% et dont le DG Nicolas Dufourcq siège au conseil de Stellantis, a voté contre, «tant en 2021 qu’en 2022», a-t-elle précisé dans un message à L’Agefi.
Mais Stellantis, groupe franco-italo-américain, est immatriculé aux Pays-Bas. Or le droit néerlandais se révèle bien moins contraignant que le droit français en matière de rémunérations. L’avis des actionnaires est simplement consultatif et ne porte que sur un rapport global. John Elkann, le président du constructeur, a donc pu affirmer, à l’issue du vote : «Il est important pour nous de rémunérer la performance. Cela fait partie des valeurs de Stellantis d'être une méritocratie.» Si l’héritier des Agnelli a ajouté que le conseil d’administration tiendrait compte de cette recommandation, rien n’oblige l’entreprise à modifier ses pratiques. Stellantis «expliquera dans le rapport sur la rémunération 2022 comment ce vote a été pris en compte», a précisé le groupe dans un communiqué. Il y a un an, le rapport sur les rémunérations 2020 de Stellantis n’avait été adopté que de justesse, à moins de 56% des voix, mais la faiblesse de ce score n’a pas alerté le conseil.
En France, le say on pay ex-post impose au contraire une résolution pour chaque mandataire social exécutif et pour le président non exécutif. Elle porte sur l’ensemble des éléments de rémunération fixes, variables et exceptionnels «versés au cours de l’exercice écoulé ou attribués au titre du même exercice», rappelle l’Institut français des administrateurs (IFA).
Champion d’Europe
La rémunération de Carlos Tavares est publique depuis le 25 février, et détaillée dans le rapport annuel du constructeur. Au titre de 2021, le Portugais a reçu 19,1 millions d’euros. Ce montant comprend un salaire fixe de près de 2 millions d’euros, en hausse de 17% sur un an. S’y ajoute un bonus de 7,5 millions d’euros (sur maximum possible de 8 millions), auquel le dirigeant a droit pour avoir dépassé ses objectifs de résultat opérationnel, de génération de trésorerie et de synergies dans le cadre du rapprochement entre PSA et Fiat-Chrysler, sans oublier un critère qualitatif. L’an dernier, le constructeur a dégagé un résultat opérationnel courant record de 18 milliards d’euros.
Carlos Tavares a également touché 5,5 millions au titre d’un plan d’intéressement à long terme (LTI), qui étalonne les performances du groupe par rapport à ses grands concurrents mondiaux. La contribution de l’entreprise à sa retraite chapeau a été évaluée à 2,3 millions, et une prime de 1,7 million lui a été versée pour le succès de la création de Stellantis – qui reposait sur son maintien à la tête du nouveau groupe.
A ces niveaux, la rémunération des dirigeants du constructeur, issu d’un mariage transatlantique, emprunte déjà beaucoup aux pratiques américaines. Les patrons de Ford ou de General Motors ont touché l’équivalent de plus de 20 millions d’euros en 2021. Alors que, côté européen, Herbert Diess, président du directoire de Volkswagen, émargeait à 10,3 millions.
C’est sans compter d’autres éléments qui viendront gonfler la facture pour Stellantis. Carlos Tavares bénéficie au total de divers plans d’intéressement à long terme en actions, dont la valeur, à leur date d’attribution en 2021, atteignait 32 millions d’euros. Ces bonus seront versés, sous conditions, entre mai 2024 et janvier 2026, selon le rapport annuel du groupe.
« Cette rémunération qui est la plus élevée des grandes entreprises en France (…) est-elle justifiée pour une personne qui n’est pas le créateur de l’entreprise, mais seulement son gérant et donc à ce titre ne prend aucun risque ni de sanction financière ni n’assume aucune responsabilité personnelle ? », s’interrogeait Phitrust dans un communiqué. Les actionnaires ont répondu. Reste à savoir si, cette fois, Stellantis les entendra.
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