
Le manque de visibilité pousse les dirigeants du SBF 120 à la prudence pour 2021

L’absence de visibilité sur la fin de la pandémie risque de continuer à peser sur les comptes des entreprises. En 2020, les sociétés du SBF 120 ont vu leur chiffre d’affaires chuter de 13%, soit 231 milliards d’euros de perdu, dont la moitié au seul deuxième trimestre, selon les données d’ATH, une association technique regroupant 26 cabinets d’audit, passant au crible 102 sociétés du SBF 120.
En comparaison, le PIB français a reculé de 8,3% l’an dernier, soit une perte de 194 milliards d’euros. La perte de 109 milliards au deuxième trimestre est parfaitement en ligne avec les 110 milliards de chiffre d’affaires non réalisés. En revanche, aux troisième et quatrième trimestres, la perte de chiffre d’affaires du SBF 120 – respectivement de 50 et de 33 milliards – a été plus importante que le recul du PIB – de 23 et 29 milliards. Une différence qui s’explique par la forte reprise des investissements, notamment au troisième trimestre, venue en soutien du PIB.
En fonction de leur secteur d’activité, les sociétés ont été touchées différemment. Trois sociétés (Accor, ADP et Air France-KLM) ont perdu plus de 50% de leurs ventes, et représentent à elles seules, 9% des pertes de chiffre d’affaires de l’indice en 2020. 14 sociétés ont enregistré une chute de 20% à 40% de leurs ventes, pesant plus de la moitié des pertes de l’indice. Près d’une société sur deux de l’indice (45) a perdu entre 5% et 20% de son chiffre d’affaires. Seules 18, essentiellement dans la santé et la technologie, sont parvenues à faire progresser leurs ventes en 2020.
Nettoyage des comptes
En revanche, la Bourse a mieux résisté que les ventes. Le SBF 120 n’a cédé que 8% en 2020. Deux secteurs – le luxe et les infrastructures électriques – sont même parvenus à progresser, malgré un recul de leur activité. «La Bourse anticipe des perspectives positives sur ces secteurs, résilients et qui vont repartir», explique Philippe Blin, associé du cabinet Sefac.
Pour l’heure, en pleine période d’arrêté des comptes, «les sociétés s’interrogent sur d’éventuelles dépréciations d’actifs, et sur les montants des pertes de valeur. Notamment dans l’hôtellerie ; mais où on ne passera pas 100% de l’effondrement des valeurs, misant sur la perspective d’une reprise», confie Philippe Blin. Comme beaucoup de sociétés seront en pertes en 2020, «autant nettoyerles comptes pour repartir sur des bases plus solides en 2021, ajoute François Aupic, associé chez RSM. Toutefois, pour les sociétés plus fragiles, la dernière loi de finances permet de réévaluer les actifs avec en contrepartie les capitaux propres de la société, sans surcoût fiscal immédiat».
Le BTP revient à la normale
Les dirigeants du SBF 120 «restent prudents, voire inquiets pour 2021, dans un environnement jugé incertain et volatil», ajoute Marie-Laure Parthenay, du secrétariat général ATH. D’ailleurs, la plupart de ces sociétés cotées se gardent bien de donner des prévisions chiffrées, même si certaines affichent leur optimisme. D’ailleurs, «dans le BTP, notamment, nous constatons une forte reprise sur janvier-février à la faveur des reports de chantiers de 2020, constate François Aupic. L’activité revient à la normale, mais serait encore en léger recul par rapport aux deux premiers mois de 2020, exceptionnellement élevés». Les entreprises les plus confiantes «regardent déjà des projets de croissance externe, et pourraient en profiter pour racheter les acteurs les plus fragiles, ajoute Philippe Mendès. En revanche, nous n’anticipons pas de plans de licenciements dans les PME. Ils concerneront davantage les grands groupes, qui ont besoin de rationaliser leurs frais de structure».
Des solutions à trouver pour les secteurs à l’arrêt
Pour l’ensemble de l’année 2021, «l’incertitude sur le rythme de rebond et la difficulté à se projeter incitent les dirigeants à faire preuve de beaucoup de prudence, même dans les secteurs le plus résilients en 2020, en raison d’une forme de marasme qui s’étend à tous», constate Philippe Mendes, associé chez Aca Nexia. Quant aux secteurs les plus pénalisés, l’aéronautique, le tourisme, l’événementiel et les acteurs qui accueillent des étrangers – notamment les grands magasins parisiens – l’avenir ne s’éclaircit toujours pas. D’autant qu’après la crise, «rien ne dit que la clientèle revienne à ses habitudes antérieures», prévient Marie-Laure Parthenay. «La généralisation du télétravail pèsera sur l’immobilier de bureaux, et sur le commerce physique des grandes villes, au profit des commerces en régions, et surtout en ligne», anticipe François Aupic, rappelant que les économistes les plus confiants tablent sur un effet «années folles» avec une très forte reprise de l’activité pendant deux ou trois ans.
Signe de cet optimisme, «beaucoup d’entreprises avaient souscrit un prêt garanti par l’Etat (PGE) mais ne l’ont pas utilisé et le rembourseront cette année», estime Philippe Blin. «Seules les entreprises les plus en difficulté verront un effet d’aubaine dans le PGE pour financer leurs investissements, ajoute Philippe Mendès. Les banques incitent les sociétés saines à rembourser leur PGE et à souscrire des crédits bancaires classiques.» Pour les sociétés qui n’ont toujours pas pu redémarrer leur activité, «il faudra trouver d’autres solutions», prévient François Aupic. Quand bien même elles rembourseraient leur PGE dans cinq ans, elles n’auraient pas les moyens d’investir et donc de rebondir. «Il faudra sans doute imaginer des abandons de créance ou des augmentations de capital pour les secteurs les plus sinistrés», conclut Philippe Blin.
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