
La Bourse lâche Altice, Patrick Drahi reprend la main

Face à la chute d’Altice en Bourse, Patrick Drahi a finalement réagi hier soir. La maison-mère de SFR a annoncé la démission de son PDG Michel Combes, également directeur général d’Altice, dans le cadre d’une vaste réorganisation de sa direction alors que depuis la publication vendredi dernier des résultats du troisième trimestre, l’action est prise dans une tornade boursière. Patrick Drahi, le fondateur d’Altice, va prendre la présidence du conseil. Il s’appuiera sur son bras droit Dexter Goei, qui remplace Michel Combes à la tête d’Altice, ainsi que sur Dennis Okhuijsen, pour la direction européenne, et Armando Pereira pour la direction des opérations. Chez SFR, Alain Weill prend du galon et devient PDG. Le temps presse pour retrouver la confiance des investisseurs. En cinq séances, le titre Altice a perdu un tiers de sa valeur. Hier, le cours est même passé sous les 10 euros en séance. Du jamais vu depuis près de deux ans.
Effet toxique des plans d'économies
A regarder les chiffres publiés la semaine dernière, de nombreux investisseurs s’interrogent désormais sur la capacité d’Altice à gérer ses différents actifs au-delà de la seule logique de baisse des coûts mise en place au cours des douze mois suivant le rachat de SFR en 2014 afin de doper l’Ebitda et faciliter l’accumulation de dette. Depuis sa reprise par les équipes de Patrick Drahi, les pertes d’abonnés du deuxième opérateur français se chiffrent en millions. «Quel est l’effet à long terme sur l’activité de cette focalisation à l’extrême sur les économies», s’inquiètent ouvertement les analystes de Credit Suisse. En 2014, sous la direction de Vivendi, le cash-flow opérationnel de SFR s’élevait à 1,3 milliard d’euros. Il est monté à 2 milliards en 2015 pour retomber à 1,5 milliard en 2017, constatent les analystes.
SFR n’y arrive pas. Au troisième trimestre, l’opérateur, qui représente 43% de l’Ebitda d’Altice, a bien gagné 16.000 abonnés dans le mobile. Mais c’est deux fois moins qu’au trimestre précédent et vingt fois moins qu’Orange (320.000). Dans le fixe, principalement l’ADSL, le bilan est encore plus noir : 75.000 départs d’abonnés contre -16.000 au deuxième trimestre. Ces contre-performances sont d’autant plus inquiétantes que depuis quelques mois SFR ne ménage plus ses investissements pour améliorer son réseau et relancer son activité commerciale. «Dans le mobile, SFR dit être numéro un en terme de performance du réseau. Soit. Mais dans le même temps, il continue à perdre des clients et Orange a réalisé son meilleur trimestre depuis neuf ans. Est-ce simplement une question de défiance envers la marque SFR, auquel cas l’adoption l’an prochain de la marque Altice sera positive, ou quelque chose nous échappe-t-il?» s’étonne Credit Suisse. Le récent départ volontaire de Michel Paulin, ancien dirigeant de Neuf Telecom et professionnel reconnu, a été vu par certains comme une preuve de l’inaptitude de SFR à suivre une vraie stratégie d’opérateur de télécoms.
Des cessions d’actifs ?
«Les investissements seuls ne suffiront pas à renverser la perception de la clientèle», craignent les analystes d’Exane BNP Paribas : «cela nécessitera probablement des investissements supplémentaires dans l’attention envers les clients et potentiellement dans les prix, ce qui ira au détriment d’une croissance durable à court terme de l’Ebitda». Or, compte tenu de son endettement, qui représente encore 5,5 fois son Ebitda, Altice n’a plus beaucoup de marge de manœuvre pour accroître ses investissements. Pourtant, Michel Combes continuait de promettre un déploiement par SFR de la fibre optique dans toute la France et l’achat d’encore plus de droits sportifs, avec en ligne de mire le championnat de France de football, dont l’appel d’offres est attendu début 2018. Pour Stéphane Beyazian, analyste chez Raymond James, Altice n’a pas les moyens de tout mener de front, au risque de finir dans une impasse. Selon lui, «la pression de la Bourse pourrait inciter la direction du groupe à adopter une stratégie moins agressive» en matière d’investissement. Dans un scénario extrême, il n’exclut pas des cessions d’actifs, alors que la rumeur d’une revente de SFR circule depuis quelques mois.
Les annonces d’hier soir pourraient être un moyen pour Patrick Drahi de soulager la pression sur Altice, sans garantie que cela suffise. «Si les investisseurs étaient prêts à ne pas s’attarder sur l’opacité de la structure du groupe dans son ensemble tant que la croissance était là, à l’inverse il vont s’interroger sur la qualité des résultats qui servent à rembourser la dette», préviennent les analystes de CreditSights. La chute du cours de Bourse pourrait avoir des effets indirects sur la cascade de holdings en amont de la société cotée, dont une partie des financements doit être structurée avec des actions. La semaine dernière Altice a annoncé réfléchir à une réorganisation partielle de sa structure de dette, sans effet selon lui sur le levier. Même si elle est à 80% à taux fixe et que les premières grosses échéances sont pour 2021 et surtout 2022, la gestion de la dette est plus que jamais la priorité. Les analystes crédit d’Octo Finances soulignent que le ratio dette nette sur valeur d’entreprise atteint 75%, ce qui signifie que «le passif du groupe est financé au trois quarts par de la dette» et que le groupe est plus que jamais entre les mains de ses créanciers.
Altice USA, victime collatérale
Dans ce contexte, le groupe a perdu de nombreux soutiens de poids ces derniers jours. Les analystes de Goldman Sachs qui avaient pourtant confirmé dans un premier temps leur opinion d’achat après les résultats ont fait volte-face quelques heures plus tard en se repliant à neutre, avec un objectif de cours réduit de 27 à 14 euros. Les inquiétudes se sont également déportées sur Altice USA, dont les résultats sont pourtant meilleurs que ceux de SFR. L’action de la filiale américaine a cédé plus de 5% ces derniers jours et perdu un quart de sa valeur depuis son IPO en juin dernier. De quoi annihiler une grande partie de l’intérêt de la cotation puisqu’Altice comptait s’appuyer sur cette nouvelle monnaie d’échange pour réaliser des acquisitions aux Etats-Unis et nourrir sa croissance. Rien ne va plus.
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