
Emmanuel Macron ouvre la porte à une nationalisation complète d’EDF

Nous aurons à reprendre le contrôle capitalistique de plusieurs acteurs industriels » dans le secteur de l’énergie. Lâchée par Emmanuel Macron jeudi lors de la présentation fleuve de son programme pour l’élection présidentielle, la petite phrase a relancé les spéculations sur une renationalisation à 100% d’EDF. Elle a permis à l’action d’accroître ses gains durant la séance pour finir en hausse de plus de 5%, à 9,31 euros, alors que l’indice CAC 40 était quasiment stable (+0,36%).
L’Etat contrôle aujourd’hui 83,9% du capital d’EDF, par le biais de l’Agence des participations et de Bpifrance. Interrogé sur une nationalisation complète du groupe, alors que la guerre en Ukraine place la souveraineté énergétique des pays européens au centre des débats, le candidat a précisé sa pensée : « Sur une partie des activités les plus régaliennes, il faut considérer que l’Etat doit reprendre du capital, ce qui va d’ailleurs avec une réforme plus large du premier énergéticien français. »
Sur le front financier, chaque mois qui passe rend plus urgente une telle réforme. Le 14 mars, EDF a une nouvelle fois revu à la baisse ses perspectives de résultats pour 2022. Mis à contribution dans le cadre du bouclier énergétique, le groupe doit acheter de l’électricité au prix du marché, aujourd’hui exorbitant, pour la revendre cinq fois moins cher à ses concurrents : un manque à gagner estimé désormais à 10,2 milliards d’euros d’excédent brut d’exploitation (Ebitda). Quant à la baisse de la production nucléaire, liée à l’arrêt de certains réacteurs, elle amputera finalement de 16 milliards d’euros l’Ebitda de cette année, au lieu d’une précédente estimation à 11 milliards début février. En plus de ces vents contraires, la compagnie va devoir assumer l’ambitieux programme de relance du nucléaire en France - entre 6 et 14 nouveaux réacteurs - annoncé en février par le président Macron et repris jeudi par le candidat.
Sous la pression des agences
EDF a dévoilé vendredi un projet d’augmentation de capital de plus de 3,1 milliards d’euros, un montant supérieur aux 2,5 milliards d’euros annoncés mi-février. Une somme insuffisante au vu des défis à relever, et qui n’avait guère impressionné à l'époque les agences de notation. Dans la foulée de cette annonce, S&P et Moody’s avaient dégradé d’un cran la note du groupe, à BBB et Baa1, soit respectivement deux et trois crans au-dessus de la catégorie spéculative (high yield).
« La crise actuelle rend la relance du nucléaire et l’ambition de re-réguler ou de nationaliser la flotte de réacteurs d’EDF plus légitime que jamais, pour la France et pour ses partenaires européens », note Vincent Ayral, analyste actions chez JPMorgan.
Aux cours actuels, racheter les 16% que l’Etat ne détient pas encore coûterait 4,8 milliards d’euros au contribuable, sans compter la prime à offrir aux actionnaires minoritaires. Une somme conséquente, mais moins élevée qu’il y a un an. L’action EDF, tombée à 7,27 euros le 7 mars, est déjà remontée grâce à la perspective d’un retrait de cote.
Ressusciter Hercule
Un rachat à 100% et une sortie de Bourse d’EDF permettraient de relancer, sans la pression du marché actions et avec la signature de l’Etat, la réorganisation du groupe. Le précédent projet, baptisé Hercule, consistait à rendre 100% publiques les activités régaliennes de l’électricien, c’est à dire le nucléaire et les barrages ; les activités concurrentielles, comme les énergies renouvelables et les réseaux, auraient eu vocation à rester en Bourse. L’idée d’une scission d’EDF, lancée juste après l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence en 2017, s’est cependant heurtée à l’opposition des syndicats, qui dénonçaient un démantèlement. Elle s’est ensablée à Bruxelles, où la Commission européenne contestait le schéma proposé par Paris au nom de la protection des clients et des concurrents du groupe. Hercule, dont le calendrier devenait politiquement intenable à l’approche de la campagne présidentielle française, a fini par mordre la poussière.
« Il va falloir relancer Hercule, d’une manière ou d’une autre », indique un banquier d’affaires. D’autant que la réforme de la structure d’EDF va de pair avec celle de l’Arenh, l’Accès régulé à l'électricité nucléaire historique qui coûte aujourd’hui si cher au groupe pour fournir ses concurrents à bas prix. Un chantier pour le prochain locataire de l’Elysée, mais qui interroge aussi sur celui qui le portera chez EDF : le PDG Jean-Bernard Lévy, âgé de 67 ans, voit son deuxième mandat s’achever en 2023, au plus tard.
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