
Débranchons EDF de la Bourse

Dans les marchés émergents, les investisseurs ont toujours réclamé un surcroît de rémunération pour se prémunir des aléas politiques. Il leur faudra procéder de même pour continuer à toucher, avec des pincettes, aux titres émis par les entreprises publiques françaises. En imposant à EDF un bouclier tarifaire qui prémunira ses clients, mais aussi ceux de ses concurrents, de la hausse des prix de l’électricité en 2022, le gouvernement vient de prendre une décision où l’absurdité économique le dispute à la schizophrénie.
A quelques semaines de l’élection présidentielle, l’Etat régalien s’apprête en effet à faire les poches de l’Etat actionnaire. Dit autrement, le contribuable paiera plus tard la facture que le consommateur – particuliers et industriels – ne peut ou ne veut acquitter dès maintenant. Car il ne fait désormais plus de doute qu’EDF, censé porter la transition énergétique de la France avec un nouveau programme d’investissements dans le nucléaire, devra être renfloué massivement. L’entreprise brûlait du cash avant même que les pouvoirs publics décident de lui ponctionner cette année autour de 8 milliards d’euros supplémentaires. Voilà des années que la compagnie publique doit subventionner ses concurrents en leur revendant de l’électricité à des prix déconnectés du marché au nom d’une prétendue libéralisation du système. Ce mécanisme, l’Arenh, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, ne sert qu’à distiller un poison lent dans les finances du groupe, comme le déplore son PDG Jean-Bernard Lévy.
Si EDF n’est que l’instrument d’une politique de redistribution de pouvoir d’achat, si sa stratégie industrielle et financière est suspendue au fait du prince, alors l’entreprise n’a plus rien à faire en Bourse. C’était d’ailleurs le fondement du projet Hercule, enterré l’an dernier, qui visait à scinder le groupe et à retirer de la cote ses activités nucléaires pour n’y laisser que les énergies renouvelables, un choix opéré par d’autres grands énergéticiens.
EDF a déjà perdu sa crédibilité auprès des investisseurs privés. Son action se paie à peine le quart de son prix d’introduction en Bourse en 2005. Ses obligations valent surtout pour la garantie publique implicite qui leur est attachée : que surgissent un jour des doutes sur la capacité du groupe à honorer ses énormes dettes, comme en son temps avec Areva, et ses créanciers auront tôt fait de lui appliquer une prime de risque plus conforme à sa situation financière. Que l’Etat, dès lors, aille au bout de sa logique, et cesse de conjuguer chez l’électricien le pire du public et du privé.
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