
Comment l’Europe espère se sevrer du gaz russe

L’Union européenne (UE) en a soudainement pris conscience : sa forte dépendance au gaz russe est un insoutenable talon d’Achille économique et géopolitique. « La guerre en Ukraine n’est pas seulement un moment charnière pour l’architecture de sécurité en Europe, mais aussi pour notre système énergétique. Elle a fait apparaître au grand jour notre vulnérabilité », résumait jeudi la commissaire européenne à l’Energie, Kadri Simson.
A plus court terme, Bruxelles le martèle, « l’UE sera en mesure de passer la fin de l’hiver », que Vladimir Poutine décide de lui couper ou pas les vannes du gaz et du pétrole. Actuellement à environ 30% de leur capacité totale, les stocks européens atteindraient un niveau « exceptionnellement bas » après l’hiver, à 18% en avril, selon les prévisions de la Commission.
Répliquer l’instrument Sure ?
La commissaire estonienne a en même temps fait savoir que « la Commission était prête à proposer des mesures extraordinaires en cas d’escalade des prix menaçant notre résilience sociale et économique ». L’option d’un emprunt garanti par les Etats membres pour juguler les dégâts de l’inflation énergétique, sur le modèle del’instrument Sure - mis sur pied au début de la pandémie pour financer les dispositifs nationaux de chômage partiel - serait ainsi à l’étude.
A plus long terme, le brutal réveil européen aura des implications majeures sur les choix stratégiques des Vingt-Sept dans le domaine de l’énergie. En témoignait déjà, le 22 février, la suspension par l’Allemagne du projet de gazoduc Nord Stream 2, dont la mise en service aurait augmenté sa très forte dépendance gazière envers Moscou. A l’échelle européenne, la décision d’inscrire le gaz en tant que « source d’énergie de transition » dans la taxonomie verte de l’UE encourt plus que jamais le risque d’être bloquée par les eurodéputés dans les semaines à venir.
Dans ce contexte, la Commission européenne présentera dès la semaine prochaine un ensemble de propositions visant ouvertement à affranchir l’UE de sa dépendance au gaz russe. Plus généralement, celles-ci doivent protéger l’Europe d’éventuels futurs épisodes de flambée des prix de l’énergie. Déjà en partie dévoilées dans la presse, ces « actions concrètes » font écho à des recommandations émises jeudi par l’Agence internationale de l’énergie.
Diversifier les approvisionnements
Premier élément de consensus, l’UE devra diversifier ses approvisionnements en gaz. L’option privilégiée : décupler les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) depuis des pays tels que les Etats-Unis, l’Australie, le Qatar ou encore l’Algérie. Une solution qui comporte toutefois plusieurs limites. Limites économiques d’abord, le marché mondial du GNL étant déjà très tendu, en plus d’être principalement fondé sur des contrats de long terme (de 20 à 25 ans). Limites techniques également, en raison du manque de terminaux GNL appropriés - une installation permettant de regazéifier du GNL transporté par voie maritime - en Europe. Pour y remédier, le Chancelier allemand a récemment annoncé la construction « rapide » de deux terminaux GNL outre-Rhin.
Autre proposition de Bruxelles qui était, elle, déjà dans les tuyaux: imposer aux Etats membres un niveau minimum de stockage en gaz avant chaque hiver, et d’au moins 80% d’ici au 30 septembre 2022.
L’exécutif européen prépare par ailleurs plusieurs initiatives visant à accélérer le déploiement des énergies renouvelables à travers l’Europe, au sein d’un « nouveau pacte énergétique ». Cité par le média en ligne Euractiv, le projet de Bruxelles prévoit de contraindre les Etats à s’attaquer aux « procédures administratives complexes », qui retarderaient les investissements dans les renouvelables. « Les Etats doivent veiller à ce que les investissements dans ces énergies et leurs infrastructures de réseau soient considérés en faveur de l’intérêt public », peut-on encore lire.
Bruxelles mise enfin sur la rénovation des bâtiments, responsables de 36% des émissions en gaz à effet de serre de l’UE.
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