
Wirecard, une leçon d’humilité pour les financiers

Un complet désastre et une honte. Voilà comment Felix Hufeld, le patron de la BaFin, qualifie désormais l’affaire Wirecard. L’exercice de contrition du régulateur financier allemand est bienvenu, mais un rien tardif. Oui, la déconfiture du spécialiste des paiements est désastreuse pour l’image de la place financière de Francfort, tant elle consacre l’aveuglement de ceux qui auraient pu empêcher le scandale mais ont délibérément ignoré les alertes, dont les premières avaient pourtant été lancées il y a plus de quatre ans.
Comme Enron, Parmalat, ou plus récemment Steinhoff, cette fraude présumée signe l’échec des différents experts censés garantir la bonne information des investisseurs. Les commissaires aux comptes ? Avant ces derniers jours, ils s’étaient montrés incapables de discerner le vrai du faux dans les documents que leur fournissait l’entreprise. Les agences de notation ? Elles se sont hâtées de dégrader la signature de l’émetteur une fois que le mal était fait, comme de coutume. Les analystes actions ? Ils étaient encore trop nombreux à l’achat sur la valeur, prenant pour argent comptant les protestations d’innocence des dirigeants de Wirecard qui se contentaient de dénigrer leurs contradicteurs. Le gendarme boursier ? La BaFin a choisi son camp, s’évertuant en vain à démontrer une hypothétique collusion entre les vendeurs à découvert et les journalistes du Financial Times qui enquêtaient sur la société.
D’autres ont su faire preuve de plus de discernement. Pour un gérant actions égaré par les promesses de Wirecard, on en trouvera plusieurs qui avaient vu dans la gouvernance discutable du groupe une excellente raison de rester à l’écart. L’analyse ESG, pour peu qu’elle soit menée dans les règles de l’art, démontre une fois encore toute sa pertinence. Nombre de gérants crédits s’étaient eux aussi détournés du dossier. Mais l’affaire reste un formidable exemple de dissonance cognitive, où chaque opposition n’a fait que conforter les partisans de Wirecard dans leur erreur. L’histoire était trop belle de cette fintech boutant la « vieille » Commerzbank hors de l’indice phare de la Bourse de Francfort. Confondant leur mission avec un patriotisme économique de mauvais aloi, les autorités locales ont cru jusqu’au bout à un complot des fameux et fumeux spéculateurs de la City contre la qualité allemande. Elles ne concevaient pas qu’une telle arnaque pût prendre forme sous leurs yeux.
Après pareille douche froide, il serait tentant de rajouter une nouvelle couche de régulation sur les marchés boursiers. Ce serait une réponse facile qui ne réglerait rien. La répétition de ces scandales le montre, tout est question de culture. Dans l’écosystème financier, l’humilité et l’exigence restent les premiers remparts contre de telles avanies. Cela vaut pour tous et partout, à Francfort comme à Paris.
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