
Un verdict dangereux pour la zone euro
Gardez-moi de mes amis, quant à mes ennemis, je m’en charge. La zone euro pourrait faire sienne cette maxime à la lecture du verdict de la Cour constitutionnelle allemande. La haute juridiction a rendu le 5 mai une décision qui menace de lier les mains de la Banque centrale européenne (BCE) au moment où celle-ci en a le moins besoin.
Le jugement s’applique seulement au programme d’assouplissement quantitatif ordinaire de la BCE et non pas au PEPP, le plan d’achats d’actifs décidé dans l’urgence en mars pour contrer les effets du confinement sur les économies et les marchés financiers européens. Pour l’instant du moins. Il ne conteste pas non plus le principe même de ces achats, qui respectent les Traités de l’Union sur la non-monétisation des dettes publiques. Mais en intimant à l’institution monétaire de justifier du caractère proportionné de cette mesure dans un délai de trois mois, faute de quoi la Bundesbank devrait cesser d’y participer, les juges de Karlsruhe fragilisent l’édifice patiemment bâti depuis la crise de la zone euro. Leur raisonnement contredit l’existence même du fameux «whatever it takes» formulé par l’ancien président Mario Draghi, et devenu un «quoi qu’il en coûte avec la pandémie de coronavirus.
La présidente de la BCE, Christine Lagarde saura sans doute en bonne juriste parer l’attaque et permettre la poursuite du programme d’achats. La Cour constitutionnelle a d’ailleurs, prudemment, laissé cette porte ouverte. La décision n’en instaure pas moins un dangereux précédent. Les tenants de l’orthodoxie monétaire y verront un encouragement à contester toutes les mesures non conventionnelles annoncées à Francfort. De manière plus pernicieuse, elle pourrait conduire les banquiers centraux à une forme d’autocensure, lorsqu’il s’agira d’imaginer de nouveaux instruments, et semer la division au sein du conseil des gouverneurs. La prime de risque attachée à la monnaie unique n’est pas près de disparaître.
L’indépendance de la BCE est au cœur des débats, et il faut reconnaître aux magistrats allemands le don de mettre le doigt sur une partie du problème : la banque centrale a étiré autant qu’elle le pouvait son mandat, sans réellement rendre de comptes, pour sauver la zone euro. Elle l’a cependant fait, contrainte et forcée, pour pallier l’absence des politiques et le vice de conception d’une union monétaire dénuée de volet budgétaire. La réponse ne viendra pas d’un sursaut de nationalisme juridique, lequel conteste au passage la compétence d’un des piliers de l’Union européenne, la Cour de justice européenne. C’est aux Etats qu’incombe de dessiner un cadre institutionnel plus efficace, en commençant par dépasser, enfin, la logique du «chacun pour soi» qui a largement prévalu dans la gestion de la pandémie.
Plus d'articles du même thème
-
EXCLUSIF
Les gestionnaires de taux contiennent leur panique
Les prévisionnistes de L’Agefi tendent à ajouter une baisse de taux à six mois tout en diminuant leurs prévisions pour les taux longs aux Etats-Unis et en augmentant celles sur la zone euro. -
La Banque d’Australie passe un tour
Malgré une inflation en forte baisse, la banque centrale australienne reste prudente, en raison d’un marché de l’emploi vigoureux et d’une situation internationale incertaine. -
La désinflation se poursuit en zone euro
La diminution de la hausse des prix dans les services et une convergence plus générale entre les pays apparaissent comme un nouvel encouragement en faveur d’une septième baisse des taux de la Banque centrale européenne en avril.
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions