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L’Europe avance vers un format unique d’obligation verte

Face au succès et à l’augmentation croissante du nombre d’émissions obligataires dites «vertes» («green bonds» ou obligations vertes), la Commission européenne s’est saisie du sujet afin de proposer un cadre harmonisé au niveau européen, dans la foulée de la taxonomie européenne et de différentes autres initiatives en matière de finance verte. La Commission, le Conseil et le Parlement européens se sont ainsi mis d’accord sur un projet de règlement européen sur les « obligations vertes européennes », qu’il reste encore à adopter formellement.
L’objectif est d’encourager le développement du marché des émissions obligataires vertes en lui donnant une crédibilité par l’institution de normes et un label de reconnaissance, tout en veillant à prévenir tout risque de « greenwashing » (ou écoblanchiment), d’utilisation ou d’appellation trompeuse ou abusive qui viendrait entacher la réputation de ces financements et in fine entraver la finance durable.
Ce règlement s’inscrit donc dans une tendance générale d’encadrement de la finance verte. Les premières initiatives ont été prises, dès 2014, par des associations professionnelles internationales et en particulier par l’International Capital Market Association (ICMA), qui a publié une série de recommandations, les «Green bond principles», fondées sur le volontariat des émetteurs.
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Par la suite, la Commission européenne a nommé, en juin 2018, un groupe d’experts techniques chargés d’élaborer un standard européen en matière d’obligations vertes. Ce groupe avait finalement remis son rapport en juin 2019.
Enfin, la «Climate Bonds Initiative», fut portée par diverses institutions et investisseurs institutionnels (V. la version 3.0 de son « Climate Bonds Standard », mars 2020), ayant déjà développé des cadres pour l'émission d’obligations vertes ou durables dont les promoteurs du standard européen souhaitaient s’inspirer.
Quelles sont les principaux apports de ce projet de règlement ?
La création d’une appellation commune «EuGB» ou «obligations vertes européennes» est conditionnée à une obligation d’affecter le produit d’émission pour des actifs ou dépenses «admissibles» conformément à la taxonomie, reposant d‘une part sur des règles de transparence et d’information et, d’autre part, de vérification par un examinateur externe. La matrice de ce régime avait déjà été approuvée par la Commission dans le cadre de la titrisation «STS» (simple, transparente et standardisée) avec, lequel il présente des similitudes certaines.
Plus précisément, le règlement prévoit des exigences uniformes pour les émetteurs d’obligations qui souhaiteraient utiliser le label d’ «obligation verte européenne» ou d’ «EuGB», imposant notamment que le produit de l’émission d’obligations vertes soit effectivement affecté pour des dépenses, des immobilisations ou des actifs financiers «admissibles». Ces derniers sont déterminés en fonction de la taxonomie européenne, qui établit des critères précis pour déterminer si une activité ou un projet répond aux exigences environnementales et sociales nécessaires pour être considéré comme durable, notamment en posant plusieurs objectifs.
Notons que la question de l’inclusion du gaz et du nucléaire, soulevée par le règlement sur la taxonomie, reste toujours en suspens et contestée. De ce fait, une certaine prudence s’impose pour les émetteurs évoluant dans ces secteurs d’activité, qui pourraient, à l’avenir, se voir opposer une modification de la règlementation. Il ne reste plus qu’à espérer que cet aspect soit tranché avant l’entrée en vigueur du règlement sur les obligations vertes européennes.
Deux mécanismes sont prévus pour s’assurer d’une utilisation des fonds conforme au label
Des exigences en termes de transparence sont prévues. En amont de l’émission, l’émetteur devra remplir une fiche d’information spécifique, dite fiche d’information EuGB, qu’il devra rendre disponible sur son site web. Chaque année, l’émetteur devra établir des rapports d’affectation et les publier dans les trois mois suivant la fin de l’année de référence, ainsi qu’un rapport d’affectation post-émission. Il sera aussi tenu d’établir un rapport d’impact après l’affectation complète du produit de l’émission (les modèles de ces rapports sont annexés au règlement). Le prospectus publié devra également comporter des mentions spécifiques.
Enfin, tous les documents devront être rendus accessibles par l’émetteur sur son site internet. Il devra aussi notifier l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) de la publication de ces informations.
S’agissant du contrôle de ces informations, un examinateur externe, acteur nouvellement créé et institutionnalisé et devant être enregistré auprès de l’ESMA, sera chargé de vérifier les rapports pré-émission et post-émission. Le règlement vient préciser les conditions d’accès et d’exercice de cette activité et sa supervision par les autorités nationales compétentes et l’ESMA.
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Ce standard et label étant amené à coexister avec les différentes appellations existantes, on peut s’interroger sur l’accueil qui sera réservé par la pratique et les émetteurs investisseurs à ce type de produit. Réussira-t-il à s’imposer ? Conduira-t-il à une réelle harmonisation ou, au contraire à des contraintes plus pesantes que celles qui existent actuellement ?
Le caractère facultatif pour les émetteurs reposant sur la base du volontariat peut ainsi représenter une limite. L’expérience montre que l’accueil réservé à des produits financiers labellisés (par exemple les ELTIF pour les fonds d’investissements ou les titrisations STS) a pu être assez mitigé par le passé, surtout quand il existe une coexistence avec des pratiques ou produits déjà bien établis – sauf à ce qu’il y ait une réelle incitation ou contrainte. La réelle force demeure de proposer un standard de référence.
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