Finance d'entreprise

Vers une montée en puissance des obligations liées à des objectifs ESG en 2023 ?

Contrairement aux obligations vertes, les «sustainability-linked bonds» ne sont pas dédiés au financement de projets durables mais leurs caractéristiques peuvent évoluer en fonction de l’atteinte d’objectifs ESG. Une tribune de Jordan Le Gallo, avocat chez De Gaulle Fleurance.
Avocat chez De Gaulle Fleurance
Jordan Le Gallo, avocat chez De Gaulle Fleurance
Jordan Le Gallo, avocat chez De Gaulle Fleurance.  -  DR

Alors qu’en janvier 2023 Engie a annoncé l’émission d’un emprunt obligataire vert pour un montant total de 2,75 milliards d’euros, Air-France KLM a préféré se tourner vers un autre outil de la finance verte : les obligations liées au développement durable ou « sustainability-linked bonds » (les «SLB»).

La finance verte ne fait pas exception à l’inventivité de la pratique élargissant d’autant le fossé avec le régulateur. En effet, pendant que l’Union européenne planche sur un règlement encadrant les obligations vertes (dit Règlement EUGB) près de 16 ans après leur première émission par la Banque européenne d’investissement, les acteurs ont créé un nouvel outil de financement de la transition énergétique : les SLB.

Ce nouvel instrument apparu en 2019 sur le marché européen a suscité un vif intérêt de la part des acteurs économiques pour atteindre un volume de 16,3 milliards d’euros au premier trimestre 2022 sur le marché obligataire contre 4,8 en 2021. Il y a donc à penser que son développement ne va pas s’arrêter là et qu’il devrait représenter un volume encore plus important en 2023, à l’instar des obligations vertes qui connaissent également un regain d’intérêt auprès des acteurs financiers depuis 2021.

Une définition

Les SLB sont des «titres de dette dont les caractéristiques financières et/ou structurelles peuvent varier selon que des objectifs de performance de durabilité/ESG prédéfinis sont atteints ou non par l’émetteur» selon l’International Capital Market Association. Autrement dit, le contrat d’émission d’obligations, document juridiquement contraignant qui lie l’émetteur de l’emprunt obligataire à ses souscripteurs, pourra prévoir que le coupon attaché à l’obligation ainsi souscrite (i.e. le taux d’intérêt rémunérant l’investisseur) pourra :

  • varier à la hausse (ou step-up) dans l’hypothèse où un ou plusieurs objectif(s) ESG prédéfini(s) n’aurai(en)t pas été atteint(s) par l’émetteur. Il s’agit d’une sanction financière imposée à l’émetteur qui n’a pas respecté ses engagements ; et/ou
  • varier à la baisse (ou step-down) si un ou plusieurs objectif(s) ESG prédéfini(s) est/sont atteint(s) ou a/ont été dépassé(s).

Les SLB pourront alternativement ou cumulativement prévoir un step-up et/ou un step-down, étant précisé que la variation du taux pourra se faire périodiquement, dans des délais à déterminer, ou à l’échéance par le paiement par exemple d’un surcoût de financement par l’émetteur aux investisseurs si les objectifs initiaux ne sont pas remplis.

Soft law

A ce jour, les SLB (tout comme les obligations vertes) ne font l’objet que d’un «soft law», à savoir un droit non-contraignant que les acteurs du marché décident ou non de respecter. A ce titre, l’International Capital Market Association (ICMA), pionnière dans la rédaction de ce droit « mou », détermine, dans le cadre de ses « Sustainability-Linked Bonds Principles, 5 principes et leurs critères de mise en œuvre pour procéder à l’émission de SLB :

  • la sélection des indicateurs clés de performance (ou Key Indicator Performance ou KPI) qui permettront de déterminer la performance ESG de l’émetteur ;
  • la détermination des objectifs de performance de durabilité qui, selon l’ICMA, doivent être ambitieux et « aller au-delà d’une trajectoire «Business as usual» » ;
  • la détermination des caractéristiques des obligations, autrement dit les conséquences en cas d’atteinte ou non des objectifs de performance prédéterminés ;
  • le reporting, à savoir la publication périodique des performances de l’émetteur en fonction des KPI et au regard des objectifs définis ; et
  • la vérification par un auditeur externe indépendant de l’atteinte des objectifs selon les KPI déterminés.

Afin de répondre à cet objectif de transparence vis-à-vis de ses investisseurs potentiels, Air France-KLM a établi un «Sustainability-Linked Financing Framework» détaillant les conditions dans lesquelles le groupe serait susceptible de procéder à des émissions d’obligations durables, tout en reprenant, principe par principe, les recommandations de l’ICMA. C’est dans ces conditions que Air-France KLM s’est engagé à réduire de 10%, d’ici à 2025, les émissions de gaz à effet de serre de sa flotte d’avions par rapport aux émissions de l’année 2019. A défaut d’atteinte de cet objectif, le prospectus indique un step-up, c’est-à-dire une variation à la hausse du coupon de 75 points de base pour une date de maturité à 3 ans ou de 37,5 points de base par an pour une date de maturité à 5 ans.

Une alternative aux obligations vertes ?

Les obligations vertes ont cette contrainte que les fonds levés dans le cadre de l’émission doivent être employés à un « projet vert » dont la définition et les critères de sélection ont été identifiés préalablement à la souscription. Au contraire, les SLB offrent plus de souplesse aux émetteurs qui auront la capacité de s’adapter au contexte économique en faisant évoluer leur stratégie sous la seule réserve de respecter les objectifs visés.

Pour les investisseurs, la perspective d’une atteinte d’objectifs quantitatifs et qualitatifs préalablement identifiés dont la vérification sera réalisée par un auditeur externe semble d’autant plus rassurante que si lesdits objectifs ne sont pas réalisés, leur rémunération pourra être revue à la hausse selon le mécanisme du step-up ou d’une prime à l’échéance.

Transparence

A l’instar des obligations vertes qui ne font pas encore non plus l’objet d’une régulation par les pouvoirs publics, le maître mot est la transparence dans l’utilisation de ces outils et la détermination de leurs caractéristiques afin d’assurer la confiance des marchés et éviter les dérives du greenwashing. Force est de constater que ces divers outils issus de la finance verte illustrent parfaitement l’inventivité des acteurs d’un marché en constante évolution, mettant d’autant plus en exergue l’absence d’un encadrement juridique contraignant.

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