Les tensions sur les carburants diminueront malgré la Russie

L’offre mondiale de carburant devrait augmenter en 2023 alors que l’offre russe trouvera porte close en Europe.
Corentin Chappron
pétrole pompe à essence  gazole
L’Union européenne cessera le 5 février d’importer les produits raffinés russes, dont elle est très dépendante.  -  Photo UE Parlement Européen.

La capacité de l’Europe à se passer de la Russie sera de nouveau mise à l’épreuve. Le 5 février, l’Union européenne (UE) cessera d’importer les produits raffinés russes, dont elle est très dépendante : la demande quotidienne en distillats moyens (des carburants, qui ne représentent que deux tiers de la production d’une raffinerie) atteint 6,3 millions de barils par jour (mbpj), selon les données de l’Agence Internationale de l’énergie (IEA). L’Europe importe 1,7 mbpj de produits raffinés, dont 0,7 mbpj depuis la Russie.

La fin de ces importations aura lieu dans un contexte de marché tendu. Les marges de raffinage (l’écart entre la valeur d’un baril de produit raffiné et d’un baril de pétrole brut) ont atteint des niveaux historiques : les marges 3-2-1 (l’écart entre le prix d’un baril de diesel et de deux barils d’essence contre trois barils de brut) s’affichent à 30,6 dollars, quand la moyenne sur les cinq dernières années tourne autour de 15 dollars. L’écart entre un baril d’essence et de diesel est aussi au plus haut, à 9,3 dollars sur l’année 2022 en moyenne contre 3 dollars sur les cinq dernières années. Cette envolée des marges reflète un problème structurel, lié à « l’inadéquation entre les profils de rendement des raffineries et la part des distillats moyens dans la demande de produits raffinés », selon l’IEA. Elle reflète aussi l’érosion des capacités de raffinage. Le secteur estime à 3,3 mbpj les capacités qui ont fermé depuis début 2020, ce qui porte les capacités totales actuelles à 83 mbpj. Enfin, les inventaires sont bas, en particulier aux Etats-Unis où ils demeurent faibles (118 millions de barils, 15% sous leurs niveaux moyens historiques).

Capacités supplémentaires

Trois éléments viennent tempérer les risques. D’une part, les importations de produits raffinés ont atteint un niveau record en fin d’année dernière, à 8,5 mbpj en décembre dans le bassin atlantique, selon Vortexa. Plutôt qu’une demande robuste et stable, ces flux sont probablement «le fait d’acteurs profitant de la détente sur les prix pour se réapprovisionner», remarque David Wech, chef économiste de Vortexa dans une analyse. Les stocks de produits du hub ARA (Amsterdam, Rotterdam, Anvers) sont en progression. Les inventaires d’essence et de diesel sont à leur plus haut depuis 14 mois (à 2,1 millions de tonnes) et depuis un an (2 millions de tonnes). Le niveau demeure toutefois inférieur à celui d’avant la pandémie. La météo clémente a aussi diminué la consommation en produits de chauffage, et le ralentissement économique pourrait diminuer la demande.

Par ailleurs, la Chine pourrait rééquilibrer les marchés. Le pays a augmenté de 46% ses quotas d’exportation de carburant pour la première partie de 2023, à 19 millions de tonnes, afin de permettre aux groupes pétrochimiques de profiter des prix élevés et de soutenir la croissance. En décembre déjà, ses exportations de produits raffinés ont atteint un plus haut depuis 2016, à 0,7 mbpj. Cela pourrait limiter la compétition entre l’Asie et l’Europe pour ces produits. Enfin, les capacités de raffinage progressent au Moyen-Orient. 1,3 mbpj de capacités supplémentaires cette année porteront les exportations de distillats moyens de la région à 3,4 mbpj fin 2023, selon S&P Global. Une extension des capacités de raffinage africaines (0,7 mbpj attendus) et chinoises (0,7 mbpj) aideront aussi à résoudre les tensions sur les produits distillés. Malgré les inquiétudes sur l’offre russe, la crise du carburant est peut-être en train de se résorber.

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