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Les tendances inflationnistes risquent d’entraîner une vague de dégradations de la note des Etats

L’agence de notation S&P a abaissé la note souveraine de la France. La combinaison de la montagne de dettes la plus élevée en temps de paix dans les pays industrialisés avec des taux d’intérêt structurellement plus élevés, risque d’aboutir à une vague de dégradations dans les années à venir. Les «justiciers obligataires» (appelés «bond vigilantes») sans doute s’en réjouissent.
La dégradation de la note de la France, de «AA» à «AA-", la première depuis 2013, sanctionne la «détérioration de la position budgétaire» qui va augmenter la dette publique française en proportion du PIB. Lors de ces dernières décennies, les déficits budgétaires et l’augmentation des dettes publiques étaient toujours compensés par la réduction structurelle des taux d’intérêt. La dette publique brute de la France est passée de 82% en 2010 à 110% du PIB fin 2023. Néanmoins, la charge d’intérêt annuelle de la dette publique est passée de 51 milliards d’euros au niveau plancher de 29 milliards d’euros en 2020.
Depuis, la charge d’intérêt a atteint 48 milliards d’euros en 2023 et pourrait grimper jusqu’à 70 milliards en 2025, selon les estimations de la Commission européenne. Nous constatons cette hausse spectaculaire de la charge d’intérêt sur les nouvelles dettes et les dettes à refinancer dans un grand nombre de pays industrialisés autres que la France. Selon les mêmes estimations, entre 2020 et 2025, la charge d’intérêt en Italie ira de 57 milliards à 91,6 milliards, et de 802 milliards à 1.312 milliards de dollars aux Etats-Unis. Cela fait grimper la dette publique. Selon la dernière revue financière du FMI, près de la moitié des 37 pays industrialisés verront leur dette publique augmenter entre 2023 et 2029.
Tendances inflationnistes
Tant que les taux d’intérêt étaient orientés à la baisse, les déficits budgétaires et l’augmentation des dettes publiques ne posaient pas problème. Depuis 2022, les banques centrales ont revu sensiblement leurs taux à la hausse. A long terme quatre tendances – le changement climatique, le niveau élevé des dettes publiques, la démondialisation et le vieillissement de la population – anticipent plutôt une hausse de l’inflation et, par conséquent, des taux d’intérêt. C’est pourquoi les finances publiques des pays fortement endettés se retrouvent dans le collimateur des marchés financiers.
Le changement climatique ira de pair avec des chocs de prix temporaires dus à la pénurie d’un certain nombre de minéraux et de métaux. La flambée actuelle du prix du cuivre fait office de canari dans la mine de charbon. Une inflation légèrement plus élevée permet également de maîtriser l’endettement public. Avec des salaires nets en hausse, les personnes ayant contracté un prêt hypothécaire juste avant le choc inflationniste de ces dernières années peuvent en témoigner. Au cours des dernières décennies, la mondialisation – la troisième tendance – a généré une baisse des prix à l’importation. La démondialisation risque de provoquer l’effet inverse.
Vieillissement de la population
Enfin, le vieillissement de la population se traduit par une diminution du nombre de travailleurs pour un nombre égal de consommateurs. Selon la Banque des règlements internationaux, pour la période 2010-2050, une offre réduite par rapport à une demande constante génère en moyenne, dans les pays industrialisés, une hausse de l’inflation de 3 points de pourcentage. Au cours de la période 1970-2010, l’évolution démographique a fait grimper l’inflation de 3 points de pourcentage.
Deux de ces quatre tendances – les investissements visant à lutter contre le changement climatique et le vieillissement de la population – génèrent en plus une augmentation des coûts. Parmi les 18 nations industrialisées les plus vulnérables face au coût du vieillissement de la population, plusieurs pays européens affichent un taux de vulnérabilité extrêmement élevé. Ainsi, l’Italie se situe à la dernière place alors que la plupart des pays anglo-saxons sont parmi les moins sensibles au coût du vieillissement de la population en raison de leur dépendance limitée aux pensions publiques dans le total des pensions. Outre ce paramètre, quatre autres critères déterminent cette vulnérabilité : le niveau actuel des dettes publiques et des déficits budgétaires, l'évolution du nombre d’actifs par rapport aux personnes dépendantes et les dépenses de sécurité sociale supplémentaires attendues pour les trente prochaines années.
Une nouvelle ère
Contrairement à ces 20 dernières années, les déficits budgétaires élevés en combinaison avec des taux d’intérêt croissants, provoquent aujourd’hui une hausse des charges d’intérêt. Si le taux d’intérêt moyen sur l’encours de la dette dépasse la croissance nominale du PIB, le pays risque un effet boule de neige négatif. Dans ce cas, le numérateur du taux d’endettement (la dette totale) augmente en effet plus rapidement que le dénominateur (le PIB nominal). Cette constatation a marqué le réveil des «bond vigilantes» qui, en 2022, ont précipité la chute de la Première ministre britannique Liz Truss après 45 jours de gouvernance.
Cependant, une dette publique élevée n’est pas forcément inéluctable. Pour l’éviter, il faut que les déficits budgétaires excessifs soient rapidement réduits et maîtrisés. Nous sommes entrés depuis peu dans une nouvelle ère de hausse structurelle des taux d’intérêt. Il est grand temps que les pouvoirs publics en prennent conscience.
Les opinions exprimées ici sont seulement celles des auteurs.
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