
Les secteurs ne sont pas égaux face au risque de défauts en Chine

Les autorités chinoises, confrontées à la hausse de l’endettement, veulent se montrer prudentes dans le resserrement du crédit mais la vague de défauts, initiée cet automne parmi les entreprises publiques chinoises (state owned enterprises – SOE), devrait se poursuivre l’an prochain. Ces défauts ont atteint un record de 21,8 milliards de dollars cette année, dépassant largement le plus haut précédent de 2018 qui avait essentiellement touché le secteur privé. Plusieurs facteurs devraient y contribuer, selon Carlos Casanova, économiste chez UBP : la fin du moratoire sur le remboursement des dettes au premier trimestre 2021, la hausse du yuan, une politique monétaire moins accommodante de la part de la banque centrale (PBoC), le resserrement des conditions financières (en raison de la hausse des taux de défauts) ainsi que la priorité donnée par les autorités chinoises au désendettement. Si ces dernières se veulent prudentes, la hausse de l’endettement est l’un des risques majeurs et Pékin veut corriger cette fragilité. Si le shadow banking a continué de diminuer, la production de crédit officiel est repartie à la hausse face à la crise du coronavirus. Les économistes anticipent un ralentissement de la production de crédit l’an prochain. Carlos Casanova rappelle que le deleveraging avait déjà directement contribué à la hausse des défauts en 2018.
Coûts de financement en hausse
Or si la santé financière des entreprises chinoises s’est améliorée ces derniers mois, en relatif par rapport aux entreprises du reste du monde, leur endettement a fortement progressé, notamment dans le secteur des SOE. «Dans l’ensemble, les entreprises chinoises ont été touchées par la guerre commerciale et le Covid-19, mais elles se sont rétablies plus rapidement que leurs pairs mondiaux, relève Alicia Garcia Herroro, économiste chez Natixis. En revanche, si l’activité et le rendement du capital se sont améliorés pour la plupart des entreprises chinoises, la dette a continué de s’accumuler tandis que les coûts de financement ont de nouveau augmenté après une forte réduction au plus fort de la pandémie. Cela est conforme à une politique monétaire plus stricte et à la perception d’un risque plus élevé en raison de plusieurs défauts emblématiques, en particulier pour les entreprises publiques». Toutefois, Carlos Casanova ne s’attend pas à ce que la hausse des défauts en 2021 constitue un risque systémique alors que les taux de défaillance restent limités en comparaison de la taille du marché obligataire corporate chinois (4.000 milliards de dollars) et que la PBoC et le gouvernement central disposent de moyens significatifs pour y faire face.
«Plutôt que de s’inquiéter d’une augmentation des défauts, les investisseurs devraient se concentrer sur la qualité du crédit et examiner attentivement les secteurs», dit l’économiste d’UBP. En prenant à la fois, l’endettement et le poids des intérêts par rapport à l’Ebitda (un meilleur indicateur anticipé des défauts que le seul niveau de dette) les secteurs de la consommation discrétionnaire (très affecté par les mesures de restriction prises pour lutter contre le Covid-19), de l’énergie (un de ceux où la proportion d’entreprises peu performantes est le plus élevé) et la technologie (qui est exposée à la guerre commerciale) sont les plus risqués pour les investisseurs dans le crédit obligataire, selon Carlos Casanova.
Prudence sur les groupes technologiques et de communication
L’économiste de Natixis se montre également prudente sur les secteurs technologiques (technologie de l’information et de la communication et semi-conducteurs) qu’elle estime moins bien lotis sur le plan financier en Chine. «Ce grand écart montre les défis et les risques actuels du secteur chinois des semi-conducteurs pour gravir les échelons technologiques de la chaîne d’approvisionnement mondiale, en particulier avec les sanctions prévues par les États-Unis», explique Alicia Garcia Herrero qui ajoute les compagnies aériennes, les infrastructures et l’immobilier à la liste des secteurs dont les bilans se sont détériorés. Du côté des secteurs les moins risqués, la consommation et la santé ont des bilans peu endettés et bénéficient de tendances favorables et du glissement de l’économie chinoise vers une croissance plus orientée sur la consommation domestique. Les secteurs des matériaux et des utilities affichent certes des endettements élevés mais ce sont le plus souvent des SOE considérées comme stratégiques par le pouvoir chinois, ce qui limite dans ce cas le risque de défaut.
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