
Les proptechs poussent les murs du recrutement

« En 2020, nous avons recruté une soixantaine de nouveaux collaborateurs et, depuis le début de l’année, nous en accueillons entre 10 et 15 chaque mois. A ce rythme, nous devrions être 170 fin 2021. » Cette confidence de Thierry Vignal, le président de Masteos, illustre la vague qui porte en ce moment les « proptechs », les spécialistes de la tech appliquée à l’immobilier, malgré la crise sanitaire. Cette start-up, qui propose aux investisseurs locatifs un guichet unique intégrant la recherche d’un bien, sa rénovation et sa gestion, a vu l’an passé son chiffre d’affaires décupler à 2 millions d’euros, le cap des 10 millions devant être franchi fin 2021.
Pour accélérer la digitalisation des parcours, les proptechs cherchent à attirer des acheteurs et des vendeurs experts en immobilier. Elles embauchent aussi des profils tech. « Ces derniers mois, nous avons recruté une dizaine de développeurs ‘front’ et ‘back-end’, API, de ‘data scientists’ et de data ingénieurs », confirme Pierre Chapon, le président de Pretto, un courtier en crédit immobilier 100 % digital qui a enregistré une progression de 50 % du montant de ses crédits financés en 2020 pour dépasser le cap du milliard d’euros.
Ces jeunes pousses évoluant à la croisée de l’immobilier et du digital sont aussi très friandes de profils financiers. Fundimmo recrute ainsi des analystes. « Nous avons également une équipe de trois personnes dédiée à la relation avec les investisseurs », ajoute Jérémie Benmoussa, le président du directoire de cette plateforme fondée en 2015 pour alimenter en fonds propres les opérations des professionnels de l’immobilier. Homeloop, qui simplifie et accélère les transactions pour les propriétaires vendeurs en achetant leur bien à 92 % du prix du marché, a de son côté constitué un pôle dédié à la gestion des risques. « S’y côtoient des experts avec une dimension risques opérationnels, des diplômés d’écoles de commerce avec une spécialisation finance et un ‘data scientist’ », note Aurélien Gouttefarde, le président de cette start-up employant une quarantaine de collaborateurs à Paris, Lyon, Nantes, et Lille.
La plupart de ces proptechs n’hésitent pas à casser les codes du secteur. Pour rejoindre le service commercial de Fundimmo, la connaissance de l’immobilier n’est plus un pré-requis. « Lorsque nous avons démarré, nous avons constitué à Bordeaux, Lyon et Nice des équipes avec des professionnels expérimentés possédant un solide réseau auprès des promoteurs locaux. Cette stratégie n’ayant pas produit les résultats escomptés, nous avons changé notre fusil d’épaule », confie Jérémie Benmoussa. Des profils plus junior, issus de la grande distribution, du crowdlending ou du conseil en stratégie et management, ont été recrutés.
Parcours atypiques
Pour attirer la quarantaine de conseillers en investissement locatif qui doivent être embauchés cette année, Masteos ne ferme aucune porte. « Pour exercer ce métier, il faut de solides connaissances en immobilier, en fiscalité et en juridique, mais aussi inspirer de la confiance à des interlocuteurs qui vont investir des budgets à six chiffres pour une durée de 20 à 25 ans. Nous ciblons donc des candidats ayant eu des parcours professionnels intéressants ou atypiques, et qui connaissent les enjeux du secteur pour avoir eux-mêmes investi dans l’immobilier locatif », souligne Thierry Vignal.
Nicolas Lhuillery, 45 ans, cochait toutes les cases lorsqu’il a été embauché en janvier. Après avoir vendu, en 2019, Gandi, une société spécialisée dans l’hébergement, le cloud et les noms de domaine, cet ingénieur de l’Ecole supérieure d’informatique électronique automatique (ESIEA) a créé avec sa femme une holding et investi dans des immeubles de rapport. « Après deux ans de pause, j’ai eu envie de reprendre une activité professionnelle, plus pour le plaisir que pour des raisons financières. J’ai donc proposé mes services à des proptechs en leur « vendant » mon expérience d’ancien directeur général de ‘start-up’ et mon expertise dans l’investissement locatif. Comme le courant est bien passé avec Thierry Vignal et Maxime Hanquier, les deux cofondateurs, j’ai rejoint Masteos. »
Ayant levé des fonds et basculé dans la phase de croissance (scale-up), la plupart de ces jeunes pousses cherchent enfin à muscler leurs équipes dirigeantes. C’est dans ce contexte qu’Ismail Bouzelfen, 33 ans, a fait son entrée au comité de direction de Pretto comme directeur des partenariats bancaires. Il a été « chassé » alors qu’il occupait un poste de manager au sein d’un cabinet de conseil en stratégie spécialisé dans les services financiers. Au quotidien, cet ingénieur Ponts et Chaussées encadre une équipe de quatre personnes. Il veille à ce que les processus avec les banques partenaires fonctionnent bien, et que les algorithmes du simulateur de crédit donnent des résultats fiables. « Je consacre aussi une partie de mon temps au commercial, l’objectif étant de convaincre de nouveaux établissements bancaires de travailler avec nous afin d’étoffer notre offre », confie cet ancien trader de HSBC passé par l’inspection générale de la Société Générale.
Chez Masteos, Nicolas Lhuillery accompagne, lui, les clients disposant de très grosses capacités d’investissement. « Ce que j’aime dans ce nouveau métier, c’est que j’ai l’impression d’apprendre en permanence. La satisfaction des clients, une fois l’opération bouclée, procure aussi toujours un sentiment agréable », confie cet ancien patron de start-up qui ne boude pas son plaisir de goûter à nouveau l’environnement d’une jeune pousse prometteuse qu’il a connue chez Gandi. Cet « esprit start-up » est d’ailleurs cultivé avec soin par les proptechs. « Chez nous, l’exigence, la responsabilité, l’humilité et la bienveillance sont des valeurs cardinales, tout comme la liberté de parole ou la transparence, assure Pierre Chapon. Tous les mois, nous réunissons l’ensemble de l’équipe afin de lui présenter les résultats financiers, les enjeux et les plans d’action pour le mois à venir. »
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