
Les entreprises chinoises se bousculent pour entrer à Wall Street

Paradoxal. Alors que les relations politiques et commerciales entre la Chine et les Etats-Unis sont plus tendues que jamais, les sociétés chinoises s’empressent de proposer leurs actions à la bourse de New York, avec des transactions monstres pour certaines. Quand bien même le gouvernement américain menace de rayer de la cote les entreprises chinoises qui ne se conforment pas toujours aux normes comptables américaines.
Pour les entreprises chinoises, le charme d’une valorisation sur le plus gros marché boursier au monde compense le risque d’une radiation. Wall Street évolue à des niveaux records. Le marché américain permet d’accéder à une grande diversité d’investisseurs. Et pour certains secteurs, comme les fintech, le fardeau de la réglementation américaine est bien plus léger qu’en Chine ou à Hong Kong. La fintech chinoise Lufax avait ainsi annulé un projet d’IPO à Hong Kong, en 2018, en raison des incertitudes sur les règlements sur les crédits à la consommation en Chine. Elle vise aujourd’hui une cotation aux Etats-Unis.
Depuis le début de l’année, les entreprises chinoises ont levé 5,23 milliards de dollars (4,40 milliards d’euros) lors d’introductions en Bourse aux Etats-Unis, selon les données Refinitiv. Soit le double des 2,46 milliards de dollars levés sur la même période l’an dernier. Et au total, 18 entreprises chinoises sont entrées en Bourse.
Menaces de radiation par Washington
Les déclarations d’intention se sont multipliées ces dernières semaines, malgré les menaces répétées de Washington. Le 9 août, le secrétaire d’Etat américain au Trésor Steven Mnuchin prévenait que les entreprises chinoises n’étant pas en conformité avec les normes comptables américaines seraient retirées de la cote d’ici fin 2021. «D’ici la fin de l’année prochaine… toutes devront se conformer exactement aux mêmes normes comptables, ou seront décotées des bourses», précisait-il. Quelques jours auparavant, le groupe de travail présidentiel dirigé par Steven Mnuchin avait recommandé que toutes les futures IPO chinoises devraient transmettre, pour autorisation, aux régulateurs américains leurs enregistrements de comptes comme condition de cotation, s’inscrivant en contradiction avec les lois chinoises sur le secret bancaire.
Afflux de dossiers chinois auprès de la SEC
Et pourtant, quelques jours après, Lufax, filiale de Ping An Insurance Group, annonçait vouloir lever 3 milliards de dollars lors de son IPO, selon son document déposé auprès de la Securities and Exchange Commission(SEC), le régulateur financier américain. Elle espère lancer sa cotation d’ici deux mois, indiquait, le 11 août, le quotidien japonais Asian Nikkei Review. L’assurtech chinoise Waterdrop vise aussi une cotation à Wall Street, tout juste après avoir bouclé un nouveau tour de table de 230 millions de dollars, la valorisant 2 milliards de dollars, avec Swiss Re et Tencent au capital.
Début septembre, l’entreprise chinoise de e-learning pour enfants iHuman déposait son dossier d’introduction en Bourse. Elle dit viser une IPO à 100 millions de dollars, et revendique une base de 10,3 millions d’utilisateurs actifs par mois sur le deuxième trimestre, et 1,4 million d’utilisateurs moyens. Yalla, à l’origine d’une application mobile de discussion audio (voice chat), a aussi annoncé le 8 septembre avoir déposé son dossier auprès de la SEC.
1,5 milliard de dollars levés sur une opération
Ces sociétés s’engouffrent dans le mouvement lancé ces dernières semaines par plusieurs IPO d’envergure.
Xpeng, un fabricant de véhicules électroniques, soutenu par Alibaba Group Holding, est entré à Wall Street fin août. A cette occasion, il a levé 1,5 milliard de dollars (1,3 milliard d’euros), à un prix de 15 dollars par action, avec 99 millions d’actions mises sur le marché. Soit la plus grosse IPO chinoise de l’année à New York. Un mois avant, sa rivale Li Auto s’était elle aussi invitée à Wall Street, levant alors plus de 1,1 milliard de dollars, proposant ses actions à 11,50 dollars chacune – bien au-delà de la fourchette initiale annoncée de 8 à 10 dollars par action, soulignant la forte demande des investisseurs.
Le 13 août, en pleine torpeur estivale, l’entreprise chinoise de gestion des biens KE Holdings (aussi appelée Beike) déboulait en Bourse, avec le soutien du géant technologique chinois Tencent et du conglomérat japonais Softbank. Elle levait alors 2,12 milliards de dollars. La société avait planifié sa cotation depuis deux ans. Interrogé lors de l’IPO sur le risque de radiation par les autorités américaines, le directeur général de Beike, Stanley Peng, l’avait qualifié de «minime».
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