Les élections françaises ouvrent la voie à un nouveau prêt commun de l’UE

L’Europe observe avec une inquiétude teintée d’espoir la nouvelle donne politique en France. L’absence d’un gouvernement d’extrême droite et la situation budgétaire délicate du pays pourraient ouvrir la voie à une intégration européenne renforcée, notamment par des emprunts communs entre États membres.
Chef économiste de BNP Paribas Fortis et co-auteur du livre ‘Les Cinq Tendances de la Nouvelle Économie Mondiale’
Chef strategiste de BNP Paribas Fortis
France Allemagne Europe drapeaux
L’Allemagne reste le principal partenaire à convaincre pour la France  -  Photo UE CE / M. Bottaro.
Les résultats des élections françaises ont créé la surprise : l’extrême droite, en tête au premier tour, a fini troisième, derrière les coalitions centriste et de gauche. Un soulagement pour de nombreux gouvernements pro-européens. Le nouveau gouvernement français, encore en formation, ne sera pas un obstacle à une Europe plus forte.

Défis budgétaires

Quelle que soit la composition du futur gouvernement, les défis budgétaires restent de taille. La France est actuellement visée par la procédure concernant les déficits excessifs (PDE) de la Commission européenne, qui détient donc le dernier mot sur l’approbation du budget français. La Commission devra confirmer que la France prend les mesures nécessaires pour redresser ses finances. Cela implique une hausse des impôts et une réduction des dépenses, des mesures en totale contradiction avec les projets de la gauche (et extrême gauche). Même pour les partis modérés, de telles coupes budgétaires sont difficiles à accepter. Le précédent gouvernement avait prévu des économies d’au moins 10 milliards d’euros. La Commission européenne en demande trois fois plus.

La France n’est pas le seul pays sous le coup d’une procédure pour déficits excessifs. Six autres pays, dont l’Italie et la Belgique, sont concernés. Si les nouvelles règles sont strictement appliquées, l’ampleur des économies requises pourrait dépasser celles de la période 2010-2013. Cette période d’austérité extrême a appris à l’Europe – et au FMI qui la soutenait – que les coupes budgétaires ne sortent pas les pays d’une crise, bien au contraire. En plus des dépenses courantes, tous les pays européens sont confrontés à d’autres défis coûteux tels que la transition climatique, les dépenses de défense accrues, la quête d’une plus grande indépendance géopolitique via une politique industrielle, le vieillissement de la population, etc.

Financement européen

Avec un gouvernement français pro-européen, la Commission européenne pourrait adopter une approche conciliante dans la recherche de solutions d’épargne (symboliques). Cependant, des concessions politiques sensibles seront nécessaires. Une solution élégante pour alléger le fardeau budgétaire consisterait à transférer le financement de certaines dépenses au niveau européen. Cette approche s’inscrit dans la continuité du fonds NextGeneration EU, mis en place pendant la pandémie de Covid-19, et qui soutient actuellement de nombreux projets ambitieux. Le fédéralisme budgétaire en serait ainsi renforcé, option improbable en cas de victoire de l’extrême droite.

Désormais cette porte n’est qu’entrouverte. Les pays traditionnellement conservateurs sur le plan budgétaire s’opposent fermement à l’émission conjointe de prêts européens. Quant à la montée de l’extrême droite dans d’autres États membres, elle complique également la situation. Pourtant, la structure du nouveau mécanisme de financement commun diffère de celle du fonds NextGeneration EU. Une part relativement importante des fonds a été – et continue d’être – allouée aux économies les plus durement touchées par le Covid, comme l’Espagne et l’Italie, qui peinent à se redresser. Ce principe de solidarité, qui suscite des réticences dans certains pays, joue désormais un rôle bien moindre.

Alliés allemands

Les recommandations des rapports d’Enrico Letta et Mario Draghi sur l’avenir de l’Europe réaffirment la nécessité d’un mécanisme de financement commun pour certains projets européens, notamment dans les domaines de la sécurité et de la transition énergétiques et de la défense. Ces nouveaux fonds profiteraient principalement aux pays ayant des secteurs de défense bien établis, tels que la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, ainsi qu’à de plus petits pays comme les Pays-Bas et la Tchéquie.

L’Allemagne reste évidemment le principal partenaire à convaincre pour la France. Cependant, la coalition au pouvoir outre-Rhin, déjà impopulaire, est également contrainte par sa propre rigueur budgétaire imposée par le principe constitutionnel du « Schwarze Null » (déficit budgétaire zéro). La réduction des dépenses générales et des investissements, les ajustements des dépenses sociales, ainsi que l’augmentation des recettes via de nouveaux impôts taxes ne sont que quelques-unes des mesures impopulaires envisagées. Toutefois, si certains projets pouvaient être exclus du budget ou financés au niveau européen, la coalition pourrait aborder les élections de 2025 sans recourir à des coupes douloureuses. Des développements défavorables sur le front ukrainien ou la perspective d’un second mandat de Trump pourraient servir de catalyseur pour une telle avancée européenne.

Une victoire de l’extrême droite dans l’Hexagone aurait fermé la porte à un nouveau mécanisme de financement commun de l’UE, et donc à davantage de fédéralisme. Leur défaite électorale ouvre désormais la porte à cette possibilité. Une porte qu’un nouveau choc au niveau des dépenses européennes pourrait ouvrir complètement. Ce qui permettrait à l’UE de poursuivre son développement et son intégration comme elle en a l’habitude, en passant d’une crise à l’autre.

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