
L’Union européenne se fait une place historique sur le marché de la dette

L’Union européenne (UE) a frappé fort mardi pour la première émission obligataire de son programme de financement du plan de relance NextGenerationEU. Elle a placé 20 milliards d’euros d’un emprunt à 10 ans, un montant record. «Il s’agit de la plus importante émission obligataire institutionnelle jamais réalisée en Europe, de la plus importante transaction institutionnelle à tranche unique jamais réalisée et du montant le plus important que l’UE a levé en une seule transaction», s’est félicitée la Commission européenne dans un communiqué.
Cette opération, très attendue par le marché, dans le cadre d’une syndication bancaire, a été largement sursouscrite, même si le livre d’ordres est toujours gonflé par certains investisseurs souhaitant optimiser leur allocation. La demande des investisseurs a atteint 142 milliards, soit un peu moins que les 145 milliards recueillis lors de la première émission de l’UE dans le cadre de son programme Sure en octobre 2020, qui était un record, déjà pour une transaction à 10 ans. «Cette demande est impressionnante, souligne un banquier en charge de l’opération. Plus encore, ce qui est important est la qualité du livre d’ordres avec une proportion d’asset managers et d’investisseurs institutionnels plus importante que lors des émissions souveraines euro». Ce dernier explique que la transaction a atteint 20 milliards pour pouvoir assurer des allocations suffisantes. Il s’agit du maximum qui peut être émis sur chaque souche.
L’ampleur du livre d’ordres a permis de resserrer un peu le spread à l’émission, indique un banquier. Les banques en charge de l’opération avaient ciblé initialement 1 point de base (pb) au-dessus des midswaps. Un prix jugé attractif par les investisseurs par rapport à la courbe de taux de l’UE sur le marché. Le spread a été ramené à 2 pb sous les taux midswaps, soit un rendement de 0,086% à l’émission (coupon de 0% échéance 4 juillet 2031). Cela représente une prime de 4-5 pb par rapport à la courbe secondaire.
Assurer les débuts
Le spread continuait de se resserrer dans les premières transactions sur le marché (-4 pb), signe de la forte demande. «La valorisation est à peu près en ligne avec nos attentes mais pas la taille, note Antoine Bouvet, stratégiste taux chez ING. La plupart des investisseurs s’attendaient à une transaction de 10 milliards, peut-être un peu au-dessus, mais pas de 20 milliards».
La réussite de cette opération était stratégique pour l’UE qui prévoit d’émettre 80 milliards d’euros cette année dans le cadre de NextGenerationEU (NGEU) et qui a mis toutes les chances de son côté en offrant une prime d’émission intéressante. La sous-performance de la courbe de l’UE avant cette émission a également stimulé l’appétit des investisseurs.
L’UE va devenir un émetteur de référence sur le marché et le montant important émis en une seule opération a aussi pour vocation de montrer au marché qu’une taille aussi élevée est possible grâce à une demande soutenue et que le marché sera profond et liquide.
Les taux sous tension
Au-delà de cet enjeu de communication, justifié par les montants élevés qui seront émis au cours des cinq prochaines années, certains s’interrogent sur la capacité du marché à absorber de telles opérations. «L’annonce de l’émission de 20 milliards a poussé les rendements souverains à la hausse d’environ 3-4 pb, poursuit le stratégiste d’ING. L’UE a deux syndications de plus à faire pour NGEU avant fin juillet». Le marché va devoir absorber beaucoup plus d’émissions avant l’été avec potentiellement des tensions sur les taux. «Après les niveaux bas atteints suite à la réunion de la BCE la semaine dernière, les taux vont repartir graduellement à la hausse cet été», estime Antoine Bouvet. Mardi, les taux euro se tendaient de 2 pb quand les taux américains étaient stables.
Après la trêve estivale, l’UE procédera à la fois via des adjudications et des syndications bancaires au rythme d’une par mois pour le financement du NGEU. Elle émettra non seulement des obligations à moyen et long terme (3 à 30 ans, avec une duration moyenne de 17 années) mais aussi des titres de créance court terme (moins d’un an), exclusivement via des adjudications pour ces derniers. Pour boucler son programme elle devra émettre 150 milliards d’euros chaque année à partir de 2022 jusqu’en 2026. Cette première émission n’était pas dans un format soutenable (qui devrait concerner 30% du programme à partir de septembre, une fois le cadre d’émission des green bonds finalisé). Cela n’a pas empêché la forte demande des investisseurs.
{"title":"Dix banques provisoirement exclues des syndications de l\u2019UE»,"body":{"value":"L’Union europ\u00e9enne a temporairement gel\u00e9 la participation de 10 des 39 banques qu\u2019elle a s\u00e9lectionn\u00e9es pour son programme de financement de NextGeneratioEU (primary dealer<\/em>) aux \u00e9missions r\u00e9alis\u00e9es dans le cadre de syndications, le temps d\u2019effectuer une \u00e9valuation de leurs violations ant\u00e9rieures des r\u00e8gles antitrust. Bank of America, Barclays, Citi, Cr\u00e9dit Agricole, Deutsche Bank, JPMorgan, Natixis, Natwest, Nomura et Unicredit font l\u2019objet de cette interdiction temporaire. Ces banques ont \u00e9t\u00e9 sanctionn\u00e9es par la Commission europ\u00e9enne pour des pratiques d\u2019entente sur les march\u00e9s obligataires en dollar et en euro. La Commission veut \u00e9valuer si les banques \u00abreconnues coupables d’avoir enfreint les r\u00e8gles antitrust ont pris les mesures correctives n\u00e9cessaires pour mettre fin \u00e0 ces pratiques et sont pr\u00eates \u00e0 prendre des mesures pour \u00e9viter qu’elles ne se reproduisent<\/em>\u00bb.<\/p>\n»,"format":"light_html"}}
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