
Le plan de relance européen ne fait pas le plein

Alors que la Commission européenne (CE) termine son tour d’Europe pour valider les plans de relance présentés par la plupart des Etats membres fin avril, un constat s’impose : il faudra arrêter de parler de plan de relance Next Generation EU (NGEU) de 750 milliards d’euros (dont 672,5 milliards au titre de la facilité pour la reprise et la résilience, FRR). Car, si presque tous les pays ont demandé les 312,5 milliards de subventions, seule l’Italie a demandé sa part complète des 360 milliards de prêts débloqués par l’UE.
Le «Plan de 500 milliards»
«Je l’appelle le Plan de 500 milliards pour prendre en compte les autres programmes qui peuvent être inclus. Mais il est juste de rappeler que le compte n’y est pas. L’Italie de Mario Draghi se devait de jouer pleinement la carte européenne, mais la plupart des autres pays ont préféré continuer à emprunter directement sur les marchés plutôt que de passer par les prêts de la CE car ceux-ci, forcément orientés vers les principaux thèmes d’investissement imposés (transition écologique, transition numérique, éducation, etc.), étaient sans doute trop conditionnés à leur goût», explique Philippe Ledent, économiste chez ING. En ne demandant même pas les 6 milliards de subventions qui pouvaient leur être alloués, les Pays-Bas ont montré leur désaccord avec les conditions fixées, ou fait jouer leur logique anti-plan jusqu’au bout…
Parmi les premiers plans approuvés le 16 juin, le Portugal recevra 13,9 milliards sous forme de subventions plus 2,7 milliards sous forme de prêts par étapes jusqu’en 2026, et l’Espagne 69,5 milliards de subventions jusqu’à la même date (dont 9 milliards de préfinancement en juillet). La Grèce a également reçu le feu vert de la CE le 17 juin : pour 30,5 milliards répartis entre 17,8 milliards de subventions (dont 4 milliards en juillet) et 12,7 milliards de prêts. Idem pour l’Allemagne, qui pourra compter sur le versement de 25,6 milliards de subventions (dont 2,3 milliards en juillet), sur un plan total de 130 milliards. L’Italie, dont le plan a aussi été approuvé mardi, recevra donc 122,6 milliards de prêts en plus des 68,9 milliards de subventions (dont 24,9 milliards en juillet), sur un total de plus de 230 milliards engagés. Enfin la France, qui a reçu l’accord de la Commission ce mercredi, obtiendra 39,4 milliards de subventions (dont 5,1 milliards en juillet), qui viendront soutenir le plan France Relance de 100 milliards présenté à l’automne.
La plupart des plans prévoient de consacrer entre 37% (le seuil minimum fixé par la CE) et 40% de l’enveloppe à transition écologique climatique, et entre 20% et 30% à la transition numérique. Berlin est même monté à 42% et 52% respectivement.
Le moindre recours au plan NGEU atténue-t-il le multiplicateur macroéconomique ? «Si on parle du seul plan ainsi dégonflé, oui. Mais pas si on prend en compte l’ensemble des plans nationaux qui seront financés autrement, ce que les gouvernements ont pris en compte dans leurs prévisions de croissance du PIB pour 2021 et (surtout) les années suivantes», poursuit Philippe Ledent. «Les plans représenteront environ 12% du PIB pour la zone euro, mais étalés sur plusieurs années : même si ce plan aide considérablement en termes de soutien budgétaire, il aura plus d’effet à moyen terme, car investissements et réformes auront le potentiel d’améliorer la croissance tendancielle, qui constitue un problème évident de la zone euro depuis la crise financière», note Bert Colijn, autre économiste d’ING.
La CE, qui avait accordé un peu de souplesse à certains pays retardataires fin avril, pourrait en outre recevoir des requêtes ultérieures, puisque le règlement prévoit la possibilité de demander un complément (sous forme de prêts) jusqu’au 31 août 2023. Dans ce cas, la demande devra s’accompagner d’un PRR révisé, comprenant des étapes et des objectifs supplémentaires. Par exemple, le simple renchérissement des emprunts de la France sur les marchés à l’occasion des élections présidentielles d’avril 2022 ne pourra pas être l’occasion de faire appels aux emprunts de la CE qui seraient alors éventuellement moins coûteux sur les marchés…
Prochaines étapes
Une fois les plans approuvés par la CE, le Conseil de l’UE dispose en principe de quatre semaines pour les adopter définitivement, et enclencher ainsi le versement des premiers 13%. La CE autorisera les versements suivants à chaque fois que les plans atteindront de manière satisfaisante les objectifs prédéfinis dans la décision d’exécution du Conseil, traduisant les progrès réalisés dans la mise en œuvre des investissements et des réformes. «En dépit de certaines déclarations politiques, les dirigeants européens cherchent à capitaliser sur ce plan NGEU pour construire, au-delà de la relance post-covid, une base de dette capable, au travers des émissions communes de l’UE, de soutenir le développement de l’euro comme monnaie internationale ce qui permettra de faciliter le financement des investissements de demain», conclut Pierre Blanchet, responsable de l’Intelligence économique chez Amundi.
Plus d'articles du même thème
-
Les Etats-Unis seront les premières victimes des tarifs douaniers réciproques
L’impact sur la croissance américaine est estimé entre 0,5 et 1 point en 2025, tandis que l’inflation devrait progresser de 1,5 à 2 points. Pour le reste du monde, cela dépendra des mesures de représailles. La guerre commerciale laissera des traces à long terme. -
Washington applique à ses partenaires commerciaux un calcul simpliste
Les Etats-Unis ont annoncé l’application de droits de douane particulièrement élevés contre la plupart des pays du monde. Présentés comme «réciproques», ces «tariffs» découlent en réalité de l’application d’une formule mathématique basique. -
Les droits de douane de Donald Trump assomment les économies asiatiques
L’usine du monde est particulièrement affectée par la méthode de calcul du président américain.
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions