Le dossier EDF invite à revoir les règles des suspensions de cours

Euronext peut suspendre un titre à la demande de l’émetteur en cas de «fonctionnement erratique du marché». L’AMF peut l’exiger.
Bruno de Roulhac
Elisabeth Borne, nouvelle Première ministre, prononce sa déclaration de politique générale, à l'Assemblée nationale le 6 juillet 2022 (nationalisation EDF)
L’annonce par la Première ministre, le 6 juillet, de la reprise d’EDF par l’Etat chahute les cours de Bourse de l’énergéticien.  -  Gouvernement

Pourquoi donc suspendre le cours d’EDF ? A la veille de la fête nationale, l’énergéticien public a annoncé dans un communiqué laconique qu’à «la suite des annonces de madame la Première ministre, et après échanges avec l’Autorité des marchés financiers, EDF SA a demandé la suspension de la cotation de ses titres de capital jusqu’à nouvel ordre». Le 6 juillet, la Première ministre, Elisabeth Borne, avait annoncé dans son discours de politique générale l’intention de l’Etat de procéder à l’acquisition des titres de capital d’EDF non encore détenues. De quoi attiser les spéculations et favoriser la hausse du cours. Depuis le 5 juillet, l’action a rebondi de 30%, dans des volumes beaucoup plus importants qu’habituellement, mais reste sous ses niveaux de novembre 2021.

Cette suspension de cours était-elle vraiment justifiée ? EDF comme l’AMF se sont refusées à tout commentaire. Néanmoins, tous les observateurs ont compris que l’Etat ne voulait pas laisser rebondir le titre, avec le risque de faire flamber la facture de l’offre publique pour acquérir les 16,1% de flottant qui lui manquent. Pourtant, le gouvernement est lui-même responsable de ces rumeurs, avec une communication aussi floue et étalée dans le temps. Mercredi dernier, l’Etat a ajouté qu’il «précisera[it] ses intentions au plus tard le 19 juillet 2022 avant-Bourse». Quel que soit le prix de sortie offert – des analystes évoquent 12 ou 13 euros par action –, les épargnants de long terme seront perdants, en particulier ceux entrés en 2005 à 32 euros lors de la cotation.

Selon ses règles de marché, Euronext «peut, de sa seule initiative ou sur demande motivée de l’émetteur concerné, suspendre la négociation d’un titre pour empêcher ou arrêter un fonctionnement erratique du marché». En revanche, l’entreprise de marché «suspend la négociation d’un titre à la demande d’une autorité compétente». Autrement dit, Euronext ne peut pas s’opposer à la demande de l’AMF. Ce qui est le cas en l’espèce, explique à L’Agefi Euronext.

Protection des investisseurs

Les mesures de suspension «doivent toujours être justifiées par une forte probabilité que le cours de la société soit décorrélé de sa valeur fondamentale, typiquement du fait de rumeurs fausses ou provoquant une volatilité excessive, explique Paul Oudin, collaborateur chez Vermeille & Co et doctorant à l’université d’Oxford. La suspension vient alors protéger l’investisseur. Ce pourrait être le cas ici du fait du caractère particulièrement vague et spéculatif des déclarations du gouvernement et des rumeurs de marché qui en résultent».

Toutefois, la durée de ces mesures «doit être cantonnée au strict nécessaire car elles sont extrêmement contraignantes pour les investisseurs, qui sont privés de toute solution de liquidité jusqu’à leur levée». D’ailleurs, «dans un contexte normal, l’AMF aurait dû demander à l’Etat de déclarer formellement son intention, ou non, de déposer une offre sur EDF, ce qui aurait peut-être permis d’éviter cette suspension», poursuit Paul Oudin.

Alors qu’Euronext tend «à systématiquement avaliser les demandes de suspension formulées par les émetteurs, bien que le droit applicable lui laisse à notre avis la liberté de les accepter ou non, nous militons pour une clarification législative sur les suspensions de cours», conclut Paul Oudin.

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