
L’Allemagne s’en sort le mieux en zone euro

Sauf à avoir été confiné sur une autre planète, la contraction de l’activité économique au premier trimestre en zone euro n’a surpris personne. Toutefois le recul du produit intérieur brut (PIB) de 3,8% (par rapport au quatrième trimestre 2019), annoncé par Eurostat à l’occasion de sa première estimation, n’est pas anodin à plus d’un titre. D’abord c’est une contraction historique. La pire chute d’activité avait jusque-là été enregistrée au premier trimestre 2009 (-3,2%). «A elle seule, la contraction du premier trimestre efface trois ans de croissance dans la zone euro», souligne Oxford Economics. Mais le pire est à venir puisque le premier trimestre n’intègre que quelques semaines de confinement en mars et que l’activité a été arrêtée tout le mois d’avril dans la plupart des pays et pour des pans entiers d’activité.
Ensuite, malgré une crise sanitaire commune, celle du Covid-19, la contraction de 3,8% cache des écarts parfois marqués entre pays. Seuls trois pays ont publié une estimation de leur PIB sur la période : la France, l’Espagne et l’Italie. Les trois pays les plus touchés par la crise sanitaire en Europe accusent une importante chute de leur PIB mais l’Italie (-4,7%), la première à avoir mis en œuvre des mesures de confinement, est un peu moins affectée que la France (-5,8%) et l’Espagne (-5,2%). Au vu de la chute de leur PIB, cela signifie que la contraction devrait être bien moins importante en Allemagne (publication de la première estimation du PIB le 15 mai). «Cela suggère une certaine résilience de l’Allemagne, confirme Simon Wells, économiste chez HSBC. Compte tenu des premières estimations dans ces trois pays, les autres économies de la zone euro, dont l’Allemagne compte pour moitié, devraient s’être contractées en moyenne de 2,6%. Si les pays, autres que les quatre grands, affichent une contraction comparable à celle de la zone euro, cela signifie que le PIB allemand pourrait s’être contracté de 1,5% au premier trimestre». Une partie de cet écart tient aux mesures prises par les différents pays. «Si le choc sanitaire est commun, le choc économique dépend de la réponse apportée, autrement dit de la durée et de la sévérité du confinement», indique Louis Boisset, économiste chez BNP Paribas. «Cet écart peut en partie être lié à la date d’arrêt des activités le 15 mars en France mais pas avant le 23 mars en Allemagne», précise Simon Wells. De plus, les restrictions moins sévères en Allemagne expliquent aussi que l’activité a moins baissé en Allemagne comme le montrent les estimations de baisse d’activité de 17% selon l’institut de recherche économique IFO alors que l’Insee l’estime à 35% en France. «Cette contraction plus faible du PIB tient à un arrêt de l’activité moins strict mais aussi à son vaste plan de soutien budgétaire», observe Oxford Economics.
Données estimées
Mais ces premières estimations sont aussi à prendre avec prudence compte tenu de la difficulté pour collecter les données et parce que l’essentiel de la baisse porte sur la fin du trimestre et est donc en grande partie estimé. «Il se peut que l’Insee se soit montrée prudente», note un économiste. Elles pourraient être revues lors de nouvelles estimations. «L’écart entre les pays pourrait alors se réduire», estime Louis Boisset.
Toutefois, même s’il est moindre, l’écart avec l’Allemagne pourrait perdurer au deuxième trimestre : «L’Allemagne devrait continuer de faire mieux alors que l’activité commence à reprendre progressivement, tandis que les premiers pas vers une reprise de l’activité en France ne seront pas avant mi-mai», affirme Simon Wells. Le rythme de la reprise dépendra aussi des situations économiques avant la crise, de la situation sanitaire mais aussi de facteurs structurels à chaque pays. «La croissance potentielle, le niveau de chômage et celui de la dette publique peut influer sur le rythme de la reprise, affirme Louis Boisset. Par ailleurs la structures des économies pourraient également jouer un rôle. Ainsi dans le cas de l’Espagne, le poids important du tourisme dans le PIB risque de freiner la reprise si ces activités sont plus lentes à reprendre. A l’inverse, une reprise plus rapide de l’industrie par rapport au secteur des services pourrait favoriser l’Allemagne».
Pour Louis Boisset, un des risques est de voir encore plus de divergences de croissance entre membres de la zone euro en sortie de crise, avec pour l’Allemagne notamment un taux de croissance plus élevé que ceux des autres grands pays et des marges de manœuvre budgétaires plus importantes. Auquel cas les discussions entre pays membres de l’union monétaire pourraient être plus difficiles. Même si le rebond de l’Allemagne dépendra aussi de la reprise du commerce mondial.
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