
La guerre commerciale s’étend sur le front des changes

La Chine s’est défendue de toute dévaluation compétitive du yuan. Pourtant, en laissant filer hier la monnaie à des niveaux jamais atteints depuis le 9 mai 2008, au-delà du seuil psychologique de 7 yuans pour un dollar, la Banque populaire de Chine (PBOC) a potentiellement ouvert un nouveau terrain de bataille avec les Etats-Unis. «La Chine a fait tomber le cours de sa monnaie à un plus bas pratiquement historique ; ça s’appelle de la manipulation de la monnaie. Ça ne vous dit rien, à la Réserve fédérale ? C’est une violation majeure qui affaiblira grandement la Chine dans le temps», a immédiatement tempêté Donald Trump dans un tweet.
La Chine ne fera pas du yuan un outil de gestion des troubles extérieurs, tels que les conflits commerciaux, a assuré hier Yi Gang, le gouverneur de la PBOC, sur le site internet de la banque centrale, ajoutant que les autorités assureront la stabilité et la continuité de la politique des changes. Selon lui, le taux de change du yuan ne fait que refléter les fondamentaux économiques de la Chine et la rencontre l’offre et de la demande sur le marché.
Le décrochage du yuan fait suite à la décision surprise du président américain d’imposer à compter du 1er septembre des droits de douane de 10% sur 300 milliards de dollars (270 milliards d’euros) d’importations chinoises jusqu’ici épargnées. Une décision qui a, de fait, mis fin à la trêve que les deux pays respectaient depuis la fin juin dans leur conflit commercial.
A la suite de l’annonce des nouvelles sanctions américaines, la PBOC a décidé lundi matin, avant le début des échanges, de fixer le pivot de la devise à 6,9225 pour un dollar, soit son plus bas niveau depuis décembre 2018. Testée régulièrement par le marché ces derniers mois, la barre des 7 yuans pour un dollar a fini par craquer. «Le fixing a levé le dernier obstacle. La PBOC a donné le feu vert à la dépréciation du yuan», estiment les stratèges changes de Mizuho Bank à Hong Kong. Hier, selon les cotations Bloomberg, le yuan est allé jusqu’à 7,0536. Dans un autre registre, Pékin aurait demandé à ses entreprises publiques de cesser l’achat de produits agricoles américains, indique Bloomberg.
Eviter la fuite des capitaux
Laisser filer sa monnaie n’est pas sans risque pour la Chine. Certes, une dévalorisation du yuan donnerait de l’air aux exportateurs et viendrait soutenir la croissance du pays. Mais si elle est trop brusque ou mal maîtrisée, elle pourrait relancer la fuite des capitaux, mouvement qui avait coûté très cher à la Chine en 2015 après la dévaluation de 2% du yuan décidée en réponse au ralentissement économique. La PBOC avait dû puiser plus de 1.000 milliards de dollars dans ses réserves pour stabiliser sa devise. La nouvelle baisse des rendements allemands hier (-0,518% pour le Bund à 10 ans) est d’ailleurs vue comme une anticipation de possibles achats d’actifs étrangers par la PBOC dans les prochains jours pour soutenir la devise. D’autres actifs refuge, comme le yen et le franc suisse ont également progressé hier.
La stabilité monétaire est cruciale pour l’économie chinoise. Voyant la PBOC défendre dans la durée le niveau de 7 yuans pour un dollar, des emprunteurs se sont appuyés sur cette stabilité présumée pour s’endetter en monnaies étrangères. Une trop forte dépréciation prendrait rapidement à revers les emprunteurs, ce qui aggraverait le taux de défaut, et fragiliserait au final le secteur bancaire chinois. Selon les chiffres de Bloomberg, la dette chinoise libellée en dollar a doublé depuis fin 2015 pour culminer à près de 730 milliards de dollars.
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