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La France et l’Allemagne sont les grands moteurs de la transition énergétique en Europe

L’année 2023 a globalement été marquée par un recul des opérations M&A de 30% en Europe et de 10% aux Etats-Unis, en grande partie lié à la remontée des taux et aux incertitudes géopolitiques. Dans le secteur des énergies renouvelables, l’année a cependant été plutôt satisfaisante compte tenu du contexte. En effet, si les opérations en fusions-acquisitions ont reculé, les levées de fonds ont été plus nombreuses. Il s’agit d’un signal de confiance envoyé à l’écosystème et nous pouvons observer que malgré un besoin de capitaux pour financer leurs projets, les actionnaires historiques et les fondateurs des sociétés du secteur renouvelable réinvestissent et restent en place aux côtés des nouveaux investisseurs. Cela témoigne pour les uns comme pour les autres d’un réel engagement dans la durée et d’une forte confiance dans la croissance du secteur.
Notons en France, comme en Allemagne, un contexte politique et des infrastructures favorables : les deux pays bénéficient d’un cadre réglementaire particulièrement incitatif et stable en faveur de la transition énergétique, mais aussi d’un réseau électrique suffisamment développé pour raccorder des nouveaux projets renouvelables, à la différence d’autres pays européens comme l’Espagne, les Pays-Bas, ou le Nord de la Suède au réseau aujourd’hui saturé
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Stockage de batteries : un secteur en pleine expansion
Entre disparités à l’échelle européenne et fragmentation mondiale du marché, les investisseurs ont dû faire preuve d’une sélectivité accrue en 2023 au niveau géographique, ce qui s’est traduit par un délaissement des Etats émergents, hors zone euro et OCDE. Ayant déjà massivement investi dans le renouvelable pour opérer leur transition, les investisseurs financiers et les industriels ont opté pour une certaine prudence, en sus d’un recentrage des thématiques d’investissement.
Le stockage d’énergie par batteries continue de se développer en Europe, où de nombreuses transactions ont été enregistrées. Et pour cause : cette solution technologique permet de remédier aux problèmes de saturation du réseau électrique et d’éviter de bâtir plus de lignes.
Le lent essor de l’hydrogène
En revanche, d’autres projets sont à la traîne, en particulier dans le domaine de l’hydrogène. Si le segment n’a toujours pas véritablement décollé en Europe et dans le monde, seulement 5% des projets annoncés sont arrivés à maturité dans le monde. Pour autant, des chantiers de grande envergure ont débuté en Chine, en Arabie Saoudite et dans d’autres pays du Moyen-Orient, mais également en Afrique du Nord et au Canada, à destination de l’Europe et de l’Asie (le Japon notamment) afin d’exporter de l’hydrogène, de l’ammoniac ou du méthanol à des prix compétitifs. Une nouvelle carte de l’énergie est ainsi en train de se redessiner.
Le Vieux Continent deviendra-t-il, à terme, un bassin de production d’hydrogène ou simplement un consommateur final ? Il est prématuré de répondre à cette question, mais force est de constater qu’à ce stade, en Europe, seuls l’Ibérie et les pays nordiques semblent avoir un potentiel de production d’hydrogène à grande échelle.
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La COP28 ou l’avènement de la realpolitik environnementale
Pour autant, l’année 2024 s’annonce prometteuse, avec une baisse amorcée des taux qui va faciliter le financement des actifs et revaloriser les projets. Nous avons atteint un premier plateau et la trajectoire vers une économie «Net Zero» est encore longue et va nécessiter de lourds investissements dans le futur. Le recours aux énergies fossiles sera encore nécessaire sur une longue période pour permettre de réaliser ces investissements pour décarboner l’économie. C’est d’ailleurs le signal envoyé par la COP 28 qui, cette année, a été placée sous le sceau du réalisme aboutissant au fameux «transitioning away» au lieu du «phasing out» initialement espéré par les pays les plus impactés par les conséquences du réchauffement climatique. La politique d’investissement des grands pétroliers européens observée en 2023 s’inscrit dans ce cadre d’une transition organisée vers le renouvelable. On peut noter en particulier le rachat par BP de 100% de la société Lightsource BP et le rachat par Total de 100% de Total Eren.
Dans un contexte économique mondial encore marqué par l’inflation et donc, la baisse du pouvoir d’achat, l’équation est difficile à résoudre pour les gouvernements, entre la relance nécessaire de l’économie et de certains secteurs en difficulté comme l’immobilier et le financement de la transition énergétique. Dans le transport, la pénétration du véhicule électrique a atteint le seuil symbolique d’un million de véhicules en France, mais cela ne représente que 2,5% du parc français.
Dans la mobilité terrestre lourde, un camion à l’hydrogène coûte deux fois plus cher qu’un diesel à l’achat, tandis que dans le domaine de l’aviation, les Sustainable aviation fuel (SAF) ne seront disponibles qu’à partir de 2030 et en très petits volumes en Europe tout comme l’e-methane et l’e-methanol pour le secteur maritime. Les montants d’investissement dans le monde nécessaires pour assurer le financement de la transition vers le «net zéro» en 2050 sont colossaux, et supposent une forte accélération d’ici à 2030 pour inverser la courbe des émissions de CO2. Pour y parvenir, une mise à contribution conjointe des épargnants fortunés, des pouvoirs publics et des acteurs privés est nécessaire. Définitivement, la transition énergétique, processus au long cours, doit être l’affaire de tous !
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