
La Fed s’apprête à réduire ses achats d’actifs avec effet immédiat

En théorie, sa principale décision étant déjà connue, le Comité de politique monétaire (FOMC) de la Fed ne devrait pas agiter mercredi les marchés de taux autant que la réunion la Banque centrale européenne (BCE) jeudi dernier, ou encore que celle de la Banque d’Angleterre (BoE) ce jeudi… Et pourtant, alors qu’ils n’en attendaient rien, la réunion de septembre avait secoué les marchés. En cette période d’Halloween, les investisseurs jouent encore à se faire peur avec les anticipations d’inflation liée à l’énergie : la volatilité est fortement remontée, de 59 à 72 pb en quinze jours pour le Move Index. Sur les swaps, les anticipations de hausse des taux par la banque centrale américaine sont passés en un mois d’un relèvement en novembre-décembre 2022, à une hausse en juin-juillet et une autre en novembre-décembre.
«Les ‘pricing’ sont un peu irrationnels dans ce contexte : les mouvements sont plus importants après une annonce sur la Nouvelle-Zélande que sur la BCE, comme si les marchés continuaient à tester les banques centrales sur leurs nouvelles stratégies (Flexible average inflation targeting, FAIT, pour la Fed)… Ils restent aussi plus importants sur les taux courts, le ‘sell-off’ s’étant un peu calmé sur les taux longs, notamment américains», remarque Guillaume Martin, stratégiste taux chez Natixis, pour qui un «repricing» des anticipations d’inflation à la baisse s’imposera dans quelques mois. Des réactions amplifiées par certaines positions influentes: «les marchés anticipent désormais l’entrée dans un cycle de hausse des taux dès la fin du premier semestre au lieu de début 2024 voici peu ; Goldman Sachs l’avance de juillet 2023 à juillet 2022 et ça explique la force des mouvements actuels», rappelle Nicolas Goetzmann, directeur de la recherche de La Financière de la Cité.
L’équipe de Jerome Powell - en cours de recomposition même si les nominations par Joe Biden ont été un peu repoussées - devrait donc formaliser, jeudi avec effet immédiat, la réduction (tapering) de son programme d’achats d’actifs (QE). Celui-ci atteint chaque mois 80 milliards de dollars en bons du Trésor américains (UST) et 40 milliards en titres MBS adossés à des prêts hypothécaires. Après de multiples hypothèses sur un «tapering» plus ou moins progressif, le consensus suit les minutes du dernier FOMC vers une réduction simple et claire, a priori de 15 milliards par mois (10 en UST et 5 en MBS), ce qui mettra fin aux achats mi-2022. «Cela semble approprié, les marchés n’ayant plus besoin de ces liquidités, comme on le voit sur les marchés monétaires, même si la Fed se donnera quand même la possibilité de ralentir le mouvement à tout moment», estime Guillaume Martin, qui voit bien les taux à 2 ans baisser un peu et les 10-30 ans remonter en cas de discours encore plus «dovish». «Un niveau de 1,6% à 10 ans reste très modéré pour une économie qui a retrouvé son niveau de PIB d’avant-crise», indique aussi Alain Henriot, responsable des études économiques à La Banque Postale, rappelant que la croissance américaine commence à ralentir, logiquement.
Qu’attendre de plus ?
«Nous attendons une modification de la ‘forward guidance’ sur les taux, la séquence présentée au marché précédemment ne nous semblant plus adaptée aux circonstances actuelles», note Franck Dixmier, responsable du fixed income chez Allianz GI, en souhaitant «un discours plus ferme sur l’inflation»… Publiée vendredi, la mesure de l’inflation privilégiée par la Fed, l’indice des prix «core PCE» (hors énergie et alimentation), a augmenté de 3,6% en septembre sur un an, comme en août. La hausse ralentit à 4,5% sur un trimestre, après 6,1% fin juin, et à 0,2% sur un mois, après 0,3% fin août. Le très suivi Employment Cost Index (ECI) a indiqué en même temps que les coûts de main d'œuvre ont bondi aux Etats-Unis de +3,7% sur un an fin septembre, après +2,9% fin juin, et de +1,3% sur le trimestre (après +0,7%).
Malgré ces hausses record, respectivement depuis 2004 et 2001, les revenus des ménages ont parallèlement baissé de -1,0% en septembre avec la fin des aides exceptionnelles au chômage, après une hausse de +0,2% en août. Et les analystes plus fins rappellent que, sans adéquation entre les pénuries de main d’œuvre et les quelque 10 millions d’emplois encore manquants, les heures supplémentaires payées 50% de plus ont surtout augmenté les salaires des non-cadres. «Les services reprennent et, par exemple, si tous les restaurants qui s’étaient séparés de leurs personnels en 2020 recrutent en même temps, il y a forcément un moment de tension», ajoute Alain Henriot.
Pour la suite, l’idée du FOMC, que certains veulent donc voir réactualisée sans tenir compte de plans budgétaires diminués de moitié, est aujourd’hui celle d’une hausse des taux Fed funds fin 2022/début 2023. Mais les effets de base liés à l’énergie vont exercer une force à la baisse sur l’inflation à partir de mars. «Si, dans un cas qui peut sembler extrême, on prend les prévisions actuelles de la Fed d’une inflation ‘core PCE revenue à 1,9% au quatrième trimestre 2022, la nouvelle stratégie de la Fed - même avec un taux de chômage dit de ‘plein emploi’ qui n’est plus un critère d’analyse suffisant désormais - l’amènerait à ne finalement pas relever ses taux», conclut Nicolas Goetzmann.
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