
La Fed devrait encore patienter

La réunion du Comité de politique monétaire (FOMC) de la Fed de ce mercredi 22 septembre sera sans doute l’occasion pour son président de réaffirmer le message d’une réduction imminente du programme d’achats d’actifs (Quantitative easing, QE), actuellement d’un montant de 120 milliards de dollars par mois, dont 80 milliards de bons du Trésor (Treasuries) et 40 milliards de titrisations de prêt hypothécaires (MBS). Pour autant, malgré l’impatience de certains et l’annonce dans son discours de Jackson Hole que la banque centrale pourrait lancer ce «tapering» avant la fin 2021, des incertitudes continuent de peser au regard des axes de la nouvelle stratégie monétaire annoncée en août 2020.
Sur le marché du travail aux Etats-Unis, les progrès substantiels que Jerome Powell indiquait attendre dans ses dernières interventions ne se sont pas encore totalement matérialisés. Certes, les chiffres du dernier Job Report, qui auraient pu déclencher la décision du FOMC en cas de troisième mois consécutif au-dessus 900.000 créations d’emplois nettes, n’ont pas été si négatifs que les 235.000 créations d’août le laissent entendre : le taux de chômage a encore diminué (5,2%), de même que la chômage longue durée, même s’il n’est pas évident que la fin des indemnités exceptionnelles (courant septembre) pourra accélérer les améliorations. La croissance pour le troisième trimestre devrait s’afficher en deçà des attentes, et les contaminations au variant Delta du covid-19, même si elles ne participent pas à ce ralentissement dans les mêmes proportions, tardent à diminuer (150.000 cas en moyenne sur 7 jours depuis mi-août).
Incertitude budgétaire
Quant à l’inflation, elle a commencé à fléchir très légèrement en août, à +5,3% sur un an pour l’indice des prix à la consommation (CPI) et +4% pour le «core CPI», même si ça reste très nettement au-dessus de la cible de 2%. «Le FOMC va aussi publier ses nouvelles projections économiques mercredi, et ces révisions devraient encore être à la hausse par rapport à juin pour les indices PCE (Personal Consumption Expenditures) et core PCE», rappelle Patrice Gautry, chef économiste d’UBP, pour qui la nouvelle stratégie monétaire plus flexible (flexible average inflation targeting, FAIT) serait plus acceptable avec des règles précises. Faute de quoi, la Fed devrait ne pas respecter une symétrie parfaite - qui tiendrait par exemple compte du nombre de mois et de l’ampleur du déficit d’inflation pré-crise avant de pouvoir réagir à l’inflation post-crise -, et pourrait même suivre ses gouverneurs plus «faucons» qui réclament d’accélérer le «tapering» face à une inflation qu’ils ne considèrent pas si transitoire.
«Un autre élément d’incertitude tient au plan de relance budgétaire de Joe Biden qui, au vu de la résistance du sénateur démocrate le plus centriste (Joe Manchin) dont la voix est incontournable, pourrait atterrir plus près de 1.500 que de 3.500 milliards de dollars sur dix ans, poursuit Patrice Gautry. Cela changerait pas mal les scénarios de croissance et d’inflation, et la confiance pour les ménages modestes.» Dans ce contexte économique, personne n’attend vraiment l’annonce du «tapering» mercredi : beaucoup voient juste le FOMC confirmer sa volonté de lancer cette réduction dès 2021, donc en décembre après une annonce possible le 3 novembre. «Une ouverture supplémentaire assortie de prudence voire de conditions», résume Didier Borowski, responsable global views chez Amundi. En revanche, il semble assez improbable de commencer la réduction du programme d’achats en novembre «alors que le Trésor américain pourrait se trouver à court de fonds», rappelle aussi Tiffany Wilding, chef économiste Amérique du Nord chez Pimco.
Pour la suite, les questions portent sur le rythme de la réduction des achats - de 10 à 25 milliards par mois selon les scénarios -, sur la date d’arrêt des réinvestissements et sur la date de remontée des taux. Au-delà des prévisions des gouverneurs (dot plots) qui pourraient être encore un peu avancées sur ce dernier point, on peut imaginer que la flexibilité voulue par la Fed passe par différentes approches. Certains estiment qu’elle ne distinguera pas les réductions en fonction des titres sous-jacents (Treasuries ou MBS). «On anticipe à ce jour un ‘tapering’ lent (- 10 milliards par mois sur les Treasuries, -5 sur les MBS), sans que ces montants ne soient obligatoirement figés, même si elle souhaite donner un maximum de lisibilité aux marchés obligataires. Elle pourrait être amenée à préciser les conditions qui la conduiraient soit à ralentir (voire à stopper), soit à accélérer la réduction, avec l’objectif double d’éviter un ‘taper tantrum’ comme en 2013 et d’ancrer les anticipations d’inflation», poursuit Didier Borowski. «La Fed aura le souci d’éviter toute erreur de politique monétaire, et elle devrait de nouveau insister sur la déconnexion entre le ‘tapering’ et hausse des taux», estime Franck Dixmier, directeur des gestions obligataires chez AllianzGI. Malgré une volonté de «préavis» par rapport au marché, «aucun manuel n’impose d’arrêter les outils du soutien monétaire dans l’ordre où ils ont été enclenchés, notamment si la crainte d’un choc économique lié au covid ou aux prix de l’énergie devait remonter», conclut Patrice Gautry.
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