
La Fed devrait ajuster ses achats très progressivement

Le comité de politique monétaire de l’institution (FOMC) de la Réserve fédérale (Fed) devrait réaffirmer ce mercredi sa communication (forward guidance) très accommodante, voire potentiellement augmenter ses achats d’actifs afin de limiter l’impact des besoins de financement croissants du Trésor américain dans l’optique d’un nouveau plan de relance en attente.
«Face au ralentissement de l’activité américaine, la Fed devrait réitérer son soutien à l’économie, et renforcer sa ‘forward guidance’ en conditionnant ses achats d’actifs à l’atteinte de ses objectifs en termes d’emploi et d’inflation», estime Franck Dixmier, responsable du Fixed Income chez Allianz GI. Malgré sa nouvelle stratégie ciblée depuis août sur l’emploi, «nous ne nous attendons pas à ce que le FOMC lie la fin des achats d’actifs à un quelconque événement ou calendrier. Certains voudraient indiquer que l’assouplissement quantitatif n’est pas permanent, mais nous pensons qu’ils attendront plus de clarté sur les plans budgétaire et sanitaire», indique François Rimeu, stratégiste senior de La Française AM.
Si les Etats-Unis ont fait preuve d’une certaine résilience dans cette crise, les récents indicateurs montrent pourtant quelques signes inquiétants, sur le plan tant sanitaire (plus de 16,5 millions d’infections pour 300.000 décès) qu’économique avec une croissance en baisse probable au quatrième trimestre, et la possibilité d’une récession début 2021 avec une nouvelle hausse des défaillances d’entreprises et du taux de chômage liée à cette deuxième vague et à l’arrêt d’un certain nombre de mesures de soutien (notamment de la Fed) après décembre.
Malgré l’absence de détails dans les minutes du 5 novembre, les investisseurs attendent donc la modification des paramètres des achats d’actifs, dont une extension de leur maturité moyenne afin de soutenir les émissions du Trésor et/ou le marché immobilier, sans freiner par une hausse des taux longs trop soudaine la reprise. «Cette décision ne ferait pas l’unanimité mais pourrait réunir une majorité suffisante pour être annoncée cette semaine afin de garantir que les plans de soutien seront facilement financés avec des taux longs bas pour l’Etat», estime Christian Parisot, économiste d’Aurel BGC.
Pour rappel, la Fed avait établi au printemps, en parallèle de l’abaissement de ses taux Fed Funds à 0%-0,25%, un programme illimité avec un plancher théorique à 80 milliards de dollars par mois pour les titres du Trésor et 40 milliards pour les prêts immobiliers titrisés (MBS). Depuis l’été, les analystes parlent d’un contrôle de la courbe (YCC) et d’une «opération twist» qui consisterait à soutenir davantage les taux à maturité longue que les taux courts, au fur et à mesure que le Trésor remplace ses émissions courtes par des émissions plus longues (probablement au-dessus de 300 ou 400 milliards par mois début 2021).
Précautions techniques
«On ne peut pas parler d’une opération ‘twist’ qui consisterait à vendre les papiers courts pour racheter les longs (comme la Banque du Canada le fait déjà depuis octobre), prévient Guillaume Martin, analyste chez Natixis. La Fed ne peut se permettre, au regard de la structure des marchés monétaires, de baisser la garde sur les titres courts au moment où d’autres banques centrales ont réduit leurs réserves en dollars sous forme de Treasuries (dont elle détient encore près de 30% des encours).» Pour ce spécialiste, un thème de l’année à venir sera la distribution des porteurs de Treasuries, avec aux premiers rangs (outre la Fed elle-même) les fonds mutuels (dont les fonds monétaires via les T-bills) et les banques depuis que les régulateurs ont allégé l’impact de ces détentions sur le ratio de levier de celles systémiques (G-SIB) en avril pour un an. «Après un démarrage en trombe de ses achats en mars-avril, on s’attend désormais à ce qu’elle modère la taille de son bilan, qui n’a que peu évolué autour de 7.200 milliards depuis juin avec un creux en juillet-août et une baisse relative des achats mensuels autour de 70 milliards», poursuit Guillaume Martin.
Une autre thématique portera sur le transfert du compte du Trésor, actuellement de 1.500 milliards à son passif qui, avec les mesures liées au covid-19, finiront par être réinjectées dans le système bancaire et par augmenter les réserves excédentaires, avec de nouvelles frictions potentielles sur les marchés monétaires. «Les ‘primary-dealers’, des G-SIB qui concentrent une partie des détentions de réserves excédentaires, payent une surcharge prudentielle liée à la taille de leur bilan et souhaiteront donc éviter ce risque, quitte à diminuer leur activité d’intermédiation, surtout à un moment où l’allègement réglementaire cessera, ajoute Guillaume Martin. La Fed a peur des possibles effets ‘collatéraux’ de ses décisions, et devrait rendre ses annonces liées au QE et au YCC assez progressives. Une autre approche pourrait être, si la réouverture de l’économie se confirme, d’augmenter un peu la rémunération des réserves excédentaires (IOER, depuis mars à 0,10%) pour maintenir un peu l’octroi de crédit sans aller jusqu’à financer des entreprises ‘zombies’, car beaucoup de banques préfèrent avoir un peu de coût de portage plutôt qu’une augmentation du coût du risque et de leur bilan.»
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