Joe Biden dit adieu à une relance budgétaire massive

Effets inflationnistes et obstruction politique empêchent l’adoption du plan Build Back Better de 1.700 milliards, deuxième volet de la relance aux Etats-Unis.
Fabrice Anselmi
BIDEN Joe président américain Maison-Blanche USA ETATS-unis Washington
Le président américain, Joe Biden, est mal parti pour faire voter ses mesures sociales.  -  Photo Bloomberg.

A l’heure où la Fed resserre sa politique monétaire, Joe Biden est lui aussi contraint de revoir ses plans de relance. Le sénateur démocrate Joe Manchin, qui s’est opposé au vote du plan de relance social et environnemental Build Back Better en décembre, a déclaré le 2 février à NBC News que ce projet de 1.700 milliards de dollars doit être enterré. Et cela ne semble pas négociable pour celui dont les démocrates ont toujours besoin afin de faire voter ce type de textes en «réconciliation budgétaire» au Sénat. Ils n’y ont que la plus petite majorité, de 50+1 voix sur 100.

Plan «surdimensionné»

Joe Manchin avait déclaré dès janvier 2021 qu’il serait intransigeant sur les questions de fiscalité et de déficit public… Depuis, il préfère parler de l’inflation que le plan de sauvetage (American Rescue Plan, ARP) de 1.900 milliards de mars 2021 a amplifiée. Ce plan était «surdimensionné», suggère même Jason Furman, ex-conseiller économique du président Barack Obama, désormais intervenant à l’Université de Harvard et au Peterson Institute for International Economics.

Pour soigner son penchant démocrate, Joe Manchin a quand même laissé la porte ouverte à une hausse des impôts sur les sociétés (de 21% à 25%) et sur le capital (de 20% à 26% ou 28%). Ceci permettrait de financer d’autres mesures auxquelles le sénateur ne s’oppose pas: rendre les assurance-santé plus abordables et étendre la couverture Medicaid dans les Etats qui la limitent, pour 200 à 300 milliards ; et subventionner les énergies propres à hauteur de 400 milliards de dollars tant que ce n’est pas au détriment des énergies fossiles. «Sur ce dernier point, le sénateur de Virginie-Occidentale (où la production de charbon occupe encore une centaine de mines et 14.000 salariés, ndlr) voit naître une opposition entre les producteurs, qu’il soutient avec une vision à court terme, et les syndicats, qui demandent des aides à la reconversion pour le moyen terme», note Florence Pisani, directrice de la recherche économique de Candriam.

Dans l’attente d’un budget 2022

Les élus démocrates espèrent encore aboutir à un nouveau plan a minima, mais il faudrait convaincre Joe Manchin, ainsi que l’autre sénatrice centriste Kyrsten Sinema (Arizona), complètement opposée aux hausses d’impôts. Les plus progressistes voudraient passer en force mais n’ont d’autres moyens que de dénoncer ces blocages. Certains continuent à négocier avec lui, d’autres suggèrent qu’il rédige lui-même son projet pour avancer désormais plus vite. Des mesures individuelles semblent encore plus difficiles à voter sans le processus de réconciliation budgétaire car il faudrait alors rallier 10 à 12 soutiens républicains sur 50 pour atteindre les 60 voix nécessaires au Sénat. Comme pour le plan d’infrastructures Bipartisan Infrastructure Bill de 550 milliards de dépenses nouvelles voté l'été dernier.

«Pour l’instant, assez peu d’informations sortent sur ces plans : la préoccupation au Congrès porte surtout sur la nécessité de voter avant la date-butoir du 18 février soit le budget 2022 définitif, soit une nouvelle loi de financement du gouvernement de court terme, rappelle Bastien Drut, stratégiste de CPR AM. Les élus sont aussi mobilisés sur une loi de compétitivité ‘anti-Chine’ (The America Competes Act) de 250 milliards sur cinq ans pour la recherche scientifique», dont 52 milliards de subventions pour les semi-conducteurs. « La Chambre en a adopté une version différente de celle du Sénat et les deux doivent maintenant être réconciliées», ajoute-t-il sans rejeter l’idée que, «dans un contexte très polarisé», les sujets puissent être liés.

Au bout du compte, l’administration Biden se dirige vers un échec davantage politique qu’économique, avec l’abandon probable de deux mesures phare pour l’éducation supérieure des minorités (Free Community College, 100 milliards) et les allocations (Child Tax Credit, 200 milliards). «Cette dernière mesure qui représente près d’un point de PIB est la seule à avoir un effet macro-écononomique significatif à court terme», poursuit Florence Pisani, pour qui le retrait des soutiens budgétaire et monétaire s’explique par la bonne dynamique de l’économie et de l’emploi.

Interrogée sur un an de bilan, la secrétaire d’Etat au Trésor Janet Yellen a reconnu que le plan Build Back Better est dans les limbes législatifs, également freiné par l’inflation élevée résultant du plan ARP. «Nous avons essayé de nous assurer que nous prenions soin des gens afin qu’ils puissent traverser la pandémie. Je dois dire que je suis très satisfaite des résultats», a-t-elle précisé, en expliquant que ces aides aux ménages, aux entreprises et aux Etats ont permis à l’économie de rebondir et aux Américains de retrouver un emploi et des gains de salaires. Une autre page budgétaire et monétaire s’ouvre désormais.

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