
La Fed alimente les paris sur la réduction de son bilan

Outre la fin de son programme d’achats d’actifs (QE) en mars et une première hausse de taux très probable, la Fed a également indiqué mercredi qu’elle pourrait réduire dans la foulée la taille de son bilan. Le communiqué spécifique du Comité de politique monétaire (FOMC) témoigne de sa réflexion avancée sur ce processus, le tightening, qui consistera à ajuster «au fil du temps de manière prévisible» les montants réinvestis sur les remboursements en principal des titres détenus via le System Open Market Account (SOMA).
«Le FOMC aurait eu du mal à être moins subtil et moins direct, au point que la hausse des taux à 10 ans de 7 à 8 points de base paraît un moindre mal. Le cadre opérationnel sur le ‘tightening’ est arrêté et il manque uniquement le point de départ, qui pourrait être en mai ou en juin, et le séquençage», analyse Guillaume Martin, stratégiste taux de Natixis. Pour lui, le rythme qui sera fixé lors de la réunion de mai pourrait être de 20 milliards non réinvestis par mois augmenté à tous les FOMC jusqu’à -100 milliards en rythme de croisière. D’autres anticipent quelque chose de plus simple et de plus régulier. «Afin de garder de la pente dans la courbe des taux», pour Valentin Bissat, économiste chez Mirabaud, qui parle de -80 milliards par mois dès le début. «Le président de la Fed de Boston (Raphael Bostic) a estimé qu’il n’y aurait pas une démarche graduelle, contrairement à l’opération de 2017 qui était une première», rappelle aussi Bastien Drut, stratégiste chez CPR AM, qui penche plutôt pour -100 milliards par mois dès le début.
Dans tous les cas, cela reviendra à réduire le bilan de 1.500 à 1.600 milliards entre juin 2022 et décembre 2023.
La Fed a également rappelé sa préférence pour les Treasuries par rapport aux titres hypothécaires (MBS), ce qui laisse entrevoir un rythme de réduction non proportionnel au rythme des derniers achats mensuels. «En moyenne, environ 60 milliards de Treasuries et 50 milliards de MBS arriveront à maturité chaque mois, et la Fed pourrait communiquer sur -50 et -50 si elle veut rester simple», poursuit Bastien Drut. «L’effet de moindres stocks de MBS augmentera de toutes manières les taux des prêts immobiliers», poursuit Guillaume Martin. Ce qui est un but recherché vu les déséquilibres offre/demande sur le marché américain.
«L’effet ne sera pas neutre sur l’augmentation du déficit du Trésor, son système de remboursement au SOMA, et le transfert de duration aux investisseurs privés, que l’administration devra prendre en compte avant d’essayer de faire voter un éventuel nouveau plan budgétaire», note Guillaume Martin. «Cela ne changera pas la donne, nuance Bastien Drut. Le plan Build Back Better (BBB) sera revu à la baisse pour des raisons de politique interne. Mais il reste un fort appétit pour les Treasuries, ne serait-ce que des banques qui ont acheté en moyenne près de 50 milliards par mois depuis septembre, tout en proposant davantage de crédit au secteur privé.» Pour Valentin Bissat, «hausse des taux et ‘tightening’ pourraient avoir plus d’effets sur le ralentissement des marchés actions que sur celui de la croissance».
Quel ciblage de l’inflation ?
Quant à l’inflation, principale raison de ces changements de politique monétaire, il y a toujours un consensus autour d’une normalisation à partir du deuxième semestre 2022, au moins sur les prix de l’énergie – les analystes sont plus dispersés concernant les prix des biens, voire es services. Malgré une nouvelle communication sur sa nouvelle stratégie (Flexible average inflation targetting, FAIT), la Fed n’en a toujours pas précisé les mesures : «Elle apprend en marchant, mais son approche très ‘hawkish’ laisse penser qu’elle pourrait stabiliser l’inflation pendant quelques temps dans une fourchette évolutive entre 2,1% et 2,5%», conclut Guillaume Martin.
Plus d'articles du même thème
-
EXCLUSIF
Les gestionnaires de taux contiennent leur panique
Les prévisionnistes de L’Agefi tendent à ajouter une baisse de taux à six mois tout en diminuant leurs prévisions pour les taux longs aux Etats-Unis et en augmentant celles sur la zone euro. -
L’emploi américain, une bonne nouvelle dans une période troublée
Les chiffres du rapport mensuel sur le marché du travail ressortent plutôt bons pour le mois de mars. Le détail confirme encore une dynamique faible de l’économie américaine, sans prendre encore en compte les effets des licenciements déjà effectués dans le secteur public, ni ceux liés aux risques économiques résultant de la hausse des droits de douane. -
Les craintes d’inflation s’emballent aux Etats-Unis
La perspective d’une vague de tarifs douaniers à compter du 2 avril inquiète les entreprises et les ménages américains qui anticipent une nouvelle hausse de l’inflation. Les prévisions à court terme des marchés atteignent un plus haut de deux ans. Tout dépendra de l’impact du ralentissement.
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions