
Gagner la course au capital

En France, on n’a pas de vaccin mais on a des idées. Le creusement du déficit et de la dette a relancé une spécialité tricolore que le monde ne nous envie guère, le concours Lépine de la fiscalité. Rétablissement de l’impôt sur la fortune à l’ancienne, création d’une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu, abolition de la « flat tax » sur les revenus du capital, ponction exceptionnelle sur l’épargne forcée des ménages… Les propositions vont bon train pour aller chercher dans la poche du voisin de quoi combler le trou des finances publiques et financer d’autres idées à l’efficacité douteuse, comme des baisses ciblées de TVA. Avec, souvent, cette propension bien française à croire qu’il suffit de relever le taux d’un impôt pour en accroître le rendement, au lieu d’en élargir l’assiette.
Il est légitime que cette crise accentue les débats sur la juste contribution de chacun à l’effort de redressement collectif. Encore faut-il y répondre avec les bons instruments. La question avait déjà été posée au sortir de la précédente crise, en 2011-2012, et résolue par un violent tour de vis fiscal. Ce dernier a freiné la reprise économique et n’a pas réduit d’une décimale le ratio de dette publique. Symbole de ce fiasco, la fameuse taxe à 75 % sur les riches est vite tombée dans les oubliettes des expérimentations hasardeuses.
Le pays a subi avec le confinement et la reprise partielle d’activité une destruction massive de richesse nationale. En l’état des prévisions économiques, le produit intérieur brut ne retrouverait pas son niveau avant deux ans. C’est cette même richesse qu’il faut de toute urgence recréer, plutôt que de se prêter au jeu des vases communicants. Le capital en sera la condition nécessaire : sans lui, le recours à la dette qui a permis aux entreprises d’amortir le plongeon de leur activité n’aura servi qu’à semer les germes de futures faillites. L’argent est là. Il dort sur les comptes épargne, sur les contrats d’assurance-vie. Ces dernières années, les gouvernements se sont efforcés à juste titre d’en diriger une partie vers les actions. L’aversion des ménages pour le risque ne rend pas la partie facile ; fiscaliser outre mesure ce type d’investissement en défaisant ce qui a été fait depuis trois ans serait une garantie d’échec. A l’heure où le patriotisme économique et la relocalisation des chaînes de production deviennent les maîtres-mots de la politique industrielle, l’Etat serait bien inspiré, aussi, de ne pas pénaliser l’attractivité du pays et la transmission d’entreprise.
La tentation sera grande de cantonner la discussion aux frontières de l’Hexagone. Ce serait oublier que tous les pays font face au même défi et qu’en matière fiscale, la coopération reste l’exception. Gageons que la plupart d’entre eux ne s’embarrasseront pas de boulets aux pieds à l’heure de se lancer dans cette course au capital. La France est prévenue.
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