
Le contrôle accru des investisseurs étrangers en France reflète une tendance plus large

La France a décidé de mettre en œuvre les recommandations de la Commission européenne qui avait incité fin mars les Etats membres à renforcer la protection de leurs actifs stratégiques. En dévoilant mercredi dernier un durcissement temporaire du contrôle des investissements étrangers, Paris a envoyé un signal politique fort aux investisseurs tentés d’entrer au capital de sociétés mises à mal par la crise provoquée par le nouveau coronavirus.
Ce renforcement réglementaire, valable jusqu’à la fin de cette année, comporte deux volets. Le seuil à partir duquel le gouvernement français contrôlera les prises de participation d’investisseurs non européens dans des entreprises stratégiques est abaissé à 10%, contre 25% précédemment. La mesure, qui a pris la forme d’un décret paru jeudi, élargit d’autre part le concept d’activité sensible aux sociétés de biotechnologie, alors que certaines d’entre elles travaillent à la recherche d’un vaccin contre le Covid-19. «Dans cette période de crise, certaines entreprises sont vulnérables, certaines technologies sont fragilisées et pourraient être rachetées à bas prix par des compétiteurs étrangers», a expliqué le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire. Par effet de ricochet, cette décision pourrait faciliter le processus de relocalisation de chaînes de valeurs sur le territoire français.
«En cas de réalisation d’une opération sans notification, Bercy peut en principe demander son annulation rétroactive», relève Pascal Bine, associé au cabinet d’avocats Skadden à Paris. Mais avant d’en venir à de telles extrémités, le ministre dispose d’une palette élargie de sanctions financières grâce à la loi Pacte entrée en vigueur l’an dernier. Il peut ainsi infliger une amende pouvant atteindre le plus élevé des montants suivants : «le double du montant de l’investissement irrégulier, 10% du chiffre d’affaires de l’entreprise visée, 5 millions d’euros lorsque l’investisseur étranger est une personne morale et 1 million lorsqu’il s’agit d’une personne physique», précise l’avocat.
En abaissant le seuil du contrôle pour les investisseurs non européens à 10% de l’entreprise cible, «la France s’aligne avec certains pays voisins comme l’Allemagneet l’Espagne qui ont retenu un seuil équivalent pour filtrer les investissements étrangers dans des secteurs jugés critiques», constate Pascal Bine. A la différence des autorités françaises, Berlin et Madrid n’envisagent cependant pas de rendre cette mesure temporaire.
L’initiative prise par la France «témoigne d’un mouvement de balancier de plus en plus marqué en faveur d’un encadrement plus strict de la liberté d’investissementet de circulation des capitaux dans de nombreux pays, alors que l’absence de contrôle était auparavant érigée en règle dans les économies de marché», juge Guillaume Kuperfils, associé au cabinet d’avocats Mayer Brown à Paris.
«Les procédures de filtrage des investissements étrangers sont aujourd’hui beaucoup plus claires et transparentes, un peu à l’image de ce qui existe en matière de contrôle des concentrations», commente l’avocat. Il souligne que les investisseurs «peuvent échanger avec les services de Bercy en vue de préciser leurs engagements concernant leur prise de participation, afin de rassurer les pouvoirs publics sur leurs intentions». Il est à noter qu’un actionnaire dont l’investissement est inférieur à 10% du capital d’une société sera susceptible d’être soumis à notification préalable si l’addition de sa participation avec celle d’autres actionnaires caractérise un contrôle conjoint de la société, ce qui peut être le cas en présence d’un pacte d’actionnaires révélant l’existence d’un concert.
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