
Euronext tisse l’Europe de la Bourse

L’Union des marchés de capitaux est un beau projet dont on désespère qu’il se concrétise un jour. Du moins peut-il compter sur les efforts d’Euronext, qui bâtit patiemment, à son niveau, une Europe de la Bourse. S’il conclut les négociations exclusives engagées pour le rachat de Borsa Italiana à Milan, l’opérateur de la Bourse de Paris ajoutera à son réseau l’un des pays fondateurs de l’Union européenne. Il y gagnera aussi des plates-formes dans l’obligataire et le post-marché, deux relais de croissance dont aucun de ses grands concurrents ne fait l’économie. D’Amsterdam à Lisbonne en passant par ses développements plus récents à Dublin et Oslo, le groupe affirme résolument son caractère paneuropéen.
Peu d’observateurs auraient parié sur un tel scénario quand Euronext a fait son retour à la cote en 2014, épilogue d’un mariage avec le New York Stock Exchange qui avait tourné au fiasco. Délaissée par son partenaire américain, dépossédée de sa lucrative plate-forme de produits dérivés à Londres, l’entreprise passait alors pour quantité négligeable à l’ombre de deux géants, le London Stock Exchange et Deutsche Börse. Les pouvoirs publics avaient dû dresser autour d’elle un cordon de sécurité pour éviter qu’elle ne retombe trop vite dans les griffes d’un nouveau prédateur.
Six ans plus tard, sa gestion au cordeau, la volatilité des marchés et un brin de chance ont permis à la société de quintupler le prix de son action. Le Brexit a exclu la Bourse de Londres du jeu continental et contrarié ses ambitions de rapprochement avec son grand concurrent allemand, qui auraient condamné Euronext à terme. Le caractère stratégique des infrastructures de marché saute aux yeux, a fortiori dans un monde post-Covid où le financement par actions des entreprises devient une question de survie. L’opérateur paneuropéen a su en jouer habilement. A défaut d’être le premier par la taille, il a pu faire valoir en Italie comme en Irlande et en Scandinavie son modèle de gouvernance fédéral et se ménager l’appui indispensable des institutions locales.
Mais Euronext ne peut pas tout. Il a vu en début d’année l’Espagne lui échapper au profit du suisse Six. Et il pèse encore peu à côté de la forteresse Deutsche Börse, prisonnière de son splendide isolement. L’Europe boursière reste donc fracturée. Elle ne constitue elle-même qu’un maillon de l’Union des marchés de capitaux. Un maillon dont le rôle se cantonne de plus en plus à celui d’un marché secondaire, comme aux Etats-Unis : les levées nettes de capitaux de la part des entreprises y sont devenues négatives en raison des rachats d’actions et des sorties de cote. Construire une Bourse véritablement européenne et ne pas perdre sa raison d’être originelle, c’est bien là le double défi d’Euronext.
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