Aura-t-on du chocolat à Pâques ?

La hausse du prix du cacao, lié à un déficit de l’offre, tient à la fois de facteurs conjoncturels et structurels. Ces problèmes pourraient conduire, à terme, à une baisse de la demande.
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La production de cacao a été très longtemps mal considérée et mal rémunérée  -  Crédit Elias Shariff Falla Mardini/Pixabay

Le prix du cacao s’envole et atteint en ce début d’année des niveaux inédits depuis les années 70, le contrat à terme livraison mai clôturant à 6.586 dollars la tonne au marché à terme ICE de New York le lundi 4 mars. Les participants s’inquiètent depuis plusieurs mois des fortes baisses de production en Afrique de l’Ouest où se situent les plus grands producteurs mondiaux que sont la Côte d’Ivoire et le Ghana (respectivement 44% et 14% en 2022-2023 selon l’organisation internationale du cacao, l’ICCO). Le 29 février, l’ICCO confirme ces craintes en annonçant des prévisions de production 2023-2024 en forte baisse à 4.5 millions de tonnes (mt), soit un recul annuel de 11% alors que la demande de broyage atteindrait 4,8 mt, en baisse de 5%, aboutissant à un important déficit de 374 kt. Les raisons de la baisse de la production sont connues. Les arbres ont souffert de maladies et de conditions météorologiques défavorables, probablement exacerbées par le phénomène El Niño. Cet environnement pourrait perdurer encore quelques mois, menaçant la campagne intermédiaire qui s’étend d’avril à août, voire la prochaine campagne principale.

Derrière ces facteurs relativement conjoncturels, la flambée actuelle met aussi en évidence des défis plus structurels. La culture a été très longtemps mal considérée, mal rémunérée. Pendant de longues années, le revenu par hectare était l’un des plus faibles des grands produits tropicaux, loin derrière le café, le sucre et le caoutchouc. Les exploitations sont de petite taille, souffrant d’un manque de moyens et d’investissement et l’âge moyen des arbres augmente, induisant une spirale infernale de baisse de rendement et de rentabilité. Dans ce contexte, les nouvelles exigences environnementales et plus particulièrement le règlement européen contre la déforestation entrant en vigueur le 30 décembre prochain constituent un nouveau défi immédiat et aigu pour la filière qui, comme d’autres cultures tropicales, devra s’adapter aux obligations de traçabilité. Depuis quelques années, les grands acteurs en aval (les principaux confiseurs et géants de l’agroalimentaire) tentent d’améliorer la situation économique, la situation écologique et les conditions de travail dans les exploitations. La hausse des cours – si elle se maintient – permettra peut-être d’investir plus et mieux mais les avancées sur le terrain sont lentes.

Un risque de baisse de la demande

Plus rapide peut-être sera la réaction de la demande. De nombreux transformateurs et confiseurs n’ont pas encore totalement répercuté le renchérissement de la denrée au consommateur final mais certains prévoient des évolutions en ce sens. D’autres ont déjà réduit le poids total de leurs barres chocolatées sans toucher au prix. D’autres encore envisageraient de réduire le taux de cacao dans certains de leurs produits. Le consommateur pourrait aussi se tourner vers d’autres friandises, de lui-même ou incité en ce sens par les confiseurs. Ces ajustements, surtout s’ils produisent des effets sensibles, pourraient conduire in fine à une certaine destruction de la demande. Au total, la volatilité des prix pourrait subsister à court terme et la prochaine campagne intermédiaire sera scrutée attentivement, mais avec une telle hausse des prix et de tels bouleversements, des facteurs d’atténuation pourraient parallèlement monter en puissance.

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